Le test révélateur

Le test révélateur

Dans trois semaines, débuteront les opérations de révision de la liste électorale en Côte d’Ivoire. Ces opérations sont tant attendues par l’écosystème politique national, car elles interviennent en préparation de la très attendue élection présidentielle d’octobre 2025. Ce scrutin se tiendra dans un peu plus de treize mois, mais il occupe déjà les esprits, notamment ceux des acteurs politiques de tous les camps.
Pour eux, la mise à jour du fichier électoral est plus qu’une opération routinière. Elle est même cruciale, car il s’agit, ni plus ni moins, d’amener les populations en âge de voter et les jeunes majeurs qui ne l’ont jamais fait, à aller s’inscrire dans cette base de données importante.
Pour les partis politiques, l’objectif est clair : faire enrôler le maximum de citoyens, entendez de possibles électeurs. Et, tous lorgnent ceux qu’on appelle les primo-votants, entendez les nouveaux majeurs, les jeunes qui viennent d’avoir 18 ans, ou qui ont atteint la majorité depuis la dernière révision de la liste électorale. L’enjeu principal de cette opération, pour les partis politiques, c’est donc la conquête de ces potentiels nouveaux électeurs. Chaque formation va donc lâcher les amarres et lancer dans les eaux ivoiriennes, ses chalutiers avec le secret espoir de pêcher le maximum de partisans.
Mais, entre l’ambition et la réalité du terrain, il y a toujours un fossé à enjamber. Et, avouons-le, l’exercice n’est pas aussi aisé qu’on pourrait le croire. Car, dénicher de nouveaux électeurs, exige une préparation minutieuse ; une stratégie bien huilée et un engagement sans faille. D’abord, il faudra les trouver, les répertorier et identifier leurs besoins en documents administratifs. Sur la question, ils n’ont pas tous les mêmes préoccupations. Certains n’ont pas de papiers du tout, parce que n’ayant pas été déclarés à la naissance –les cas les plus compliqués -, d’autres ont des extraits de naissance mais n’ont pas de carte nationale d’identité. Comme les partis politiques ont intérêt à ce qu’ils soient inscrits sur la liste électorale, c’est à eux, du moins, leurs responsables locaux de faire le travail ; de se battre pour qu’ils aient leurs documents et surtout de s’assurer qu’ils iront se faire enrôler ; quitte à les soutenir dans le déplacement, si leurs lieux de résidence sont éloignés des sites d’enrôlement.
De toute évidence, cette révision de la liste électorale, qui ne durera qu’un mois ( du 30 septembre au 31 octobre), est un test révélateur de la capacité de mobilisation de ces futures électeurs pour les différents partis de l’échiquier politique national, en particulier ceux qui ont déjà annoncé leur intention d’être dans les starting-blocks le 26 octobre 2025 : le RHDP ( Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix) d’Alassane Ouattara, le PDCI ( Parti démocratique de Côte d’Ivoire) de Tidjane Thiam, le PPA-CI ( Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire) de Laurent Gbagbo, le FPI (Front populaire ivoirien) de Pascal Affi Nguessan et,  à un degré moindre, le Cojep (Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples) de Blé Goudé ou encore le MGC (Mouvement des générations capables) de Simone Ehivet, ex-épouse de Laurent Gbagbo.
Ainsi, au-delà des discours foncièrement polémiques et des attaques gratuites qui alimentent le débat politique, c’est sur le terrain que chaque parti doit faire la preuve de son ancrage et de sa puissance. « C’est au pied du mur qu’on voit le vrai maçon », dit l’adage. Ces quatre semaines d’enrôlement permettront de savoir qui est qui et qui pèse réellement quoi sur l’échiquier politique national, à un an de l’élection présidentielle de 2025. Et, l’on saura surtout ce que vaut vraiment cette opposition plus prompte à ruer dans les brancards et à chercher des noises à la Commission électorale indépendante. La confondant souvent avec les bureaux de vote. 
 Pour l’instant, sur ce que l’on voit, le RHDP est quasiment seul sur le terrain. Avec des activités presque quotidiennes. Et surtout, le parti cher à Alassane Ouattara montre qu’il prépare minutieusement, en mettant en mission ses responsables locaux qui, dans toutes les régions et contrées du pays, recensent les militants, notamment les fameux primo-votants, tout en identifiant leur profil. D’aucuns diront que c’est normal puisque c’est le parti au pouvoir. Mais, ici, avoir des moyens d’agir ne suffit pas, il faut de la réflexion, de la stratégie et de l’action planifiée. Pour être sur le terrain, il faut avoir un discours à tenir pour convaincre et séduire. Justement, c’est ce que fait et a toujours fait le RHDP. Dans l’opposition en 2009 et 2010, la coalition des partis du RHDP avait adopté la même stratégie de ne rien négliger et de s’impliquer dans toutes les étapes du processus électoral, assiégeant toutes les régions du pays au lieu de passer son temps à Abidjan à persifler le pouvoir ou la Commission électorale.
Que constatons-nous aujourd’hui ? Exceptées quelques initiatives ponctuelles, les opposants ne font pratiquement rien. Pourtant, le Général chinois Sun Tzu, nous apprend dans son ouvrage culte intitulé L’art de la guerre, que « Tout le succès d’une opération réside dans sa préparation ». Comme pour dire que quand on n’a pas préparé un combat, le résultat c’est l’échec. Et qu’il vaut mieux se concentrer sur l’objectif et non sur l’adversaire. L’opposition ivoirienne, elle, préfère jeter son dévolu sur le RHDP et la Commission électorale indépendante au lieu de chercher à convaincre les Ivoiriens. A la fin, ce sont eux, et eux seuls, qui décident.  
Charles Sanga