Révision de la liste électorale : Les clarifications de Faustin Kouamé, ancien ministre de la justice
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L’ancien Garde des sceaux, ministre de la Justice, Faustin Kouamé a brisé le silence. Hier, il a animé une conférence de presse pour se prononcer sur le système électoral, notamment la révision du listing électoral et l’audit de la liste électorale réclamé par l’opposition, la démocratie au sein du PDCI, les candidatures de Gbagbo, de Guillaume Soro et du Président de la République Alassane Ouattara à l'élection présidentielle à venir.
D’emblée, l’ancien avocat au barreau de Paris et constitutionnaliste a tranché le débat sur la révision de la liste électorale 2025 que l’opposition réclame à cor et à cri. “Vous savez que pour l’élection présidentielle de 2015, on a utilisé la liste électorale de 2010. L’élection présidentielle se déroule avec la dernière liste électorale disponible. La loi ne dit pas que c'est la dernière révision de la liste électorale qui doit servir pour l’élection présidentielle. Un pays qui a accepté de ne pas tenir compte de quatre révisions de la liste électorale pour organiser une élection validée, ce pays peut accepter huit mois par rapport à quatre années. Quand on a avalé quatre couleuvres, on devrait pouvoir avaler un petit serpent. Il faut faire en sorte surtout de ne pas se trouver face à un vide constitutionnel. Parce que sauf crise, la date de l’élection présidentielle est fixée par la Constitution. Une structure républicaine ne prend pas plaisir à traîner le pas. Il y a certainement des difficultés objectives”, a-t-il dit. Avant d’appeler les parties prenantes au processus électoral au dialogue afin de rassurer, d’aplanir les doutes, créer un climat de confiance autour du processus et des élections. Selon lui, il faut surtout rattraper le retard civique et institutionnel accusé par les pays en Afrique francophone aux fins que les élections soient conformes au droit. “On n’a pas à souhaiter qu’une élection soit apaisée, transparente, sincère (...) Elle doit être ce qu’elle doit être au regard des textes. Il faut qu'on ait cette élévation de conscience juridique”, a-t-il recommandé. Le conférencier a ensuite demandé que l’inconséquence des acteurs politiques vis-à-vis du processus électoral cesse maintenant.
En ce qui concerne l’audit de la liste électorale, le conférencier a estimé qu’il devrait pouvoir se faire. A condition que les acteurs s’accordent sur les modalités et les cabinets qui doivent mener l’opération. Pour lui, ni la Constitution, ni le code électoral n'indiquent qu’avant une élection, la liste électorale établie doit être auditée. A partir de là, seule la négociation doit prévaloir. “Il faut négocier. Mais pas avec mépris, arrogance et violence”, a-t-il préconisé aux opposants qui estiment que les requêtes doivent être des obligations pour la commission électorale indépendante. En tout cas, l’ancien Garde des sceaux, ministre de la Justice a regretté le déclin constaté depuis un moment dans l’art de la parole, la violence verbale qui gagne du terrain sur la scène politique ivoirienne. “Tout peut être obtenu par le dialogue et dans la courtoisie”, a-t-il dit.
“Il faut négocier. Mais pas avec mépris, arrogance et violence”
Après le processus électoral, maître Faustin Kouamé s'est prononcé sur les candidatures à l’élection présidentielle d'octobre prochain. Pour lui, la candidature du Président de la République, Alassane Ouattara n'est nullement illégale comme le prétendent des opposants. A l’en croire, la remise à zéro des pendules à partir du changement de Constitution en 2016 est un argument séduisant même s'il déteste ce qu’il a appelé “la théorie de la République horloge”. “La deuxième théorie est ce qu'on appelle le conflit de lois dans le temps. Au moment de l’entrée en vigueur de cette Constitution, il y avait une situation en cours. On n'a rien sur cette situation. La loi ne dispose que pour l’avenir. Mais quand il y a conflit de lois dans le temps, on retient toujours la solution la plus favorable à l’intéressé. Sur cette base, le Président Alassane Ouattara peut être candidat à l'élection présidentielle. Mais pour moi, l’argument le plus sérieux, c'est la possession d’État”, a-t-il précisé. Poursuivant, il a rappelé qu’après l’élection présidentielle d'octobre 2020, il y a eu la désobéissance civile avec son cortège de morts et de blessés en guise de contestation de ce qu’une partie de la classe politique et des citoyens ont qualifié de troisième mandat illégal. Mais, après tout cela, la République s'est stabilisée autour du candidat dont l’élection est contestée. “Plus grave, les auteurs de toute cette contestation ont affiché la possession d'État constituée par trois éléments à savoir le nomen, le tratatus et le fama. Le Président Alassane Ouattara a été reconnu et traité comme le président de la République. C'est n'est pas en 2025 qu’on va remettre tout cela en cause. Il y a eu légitimation par possession d'État subconséquent. En tant qu’enseignant, nous avons le droit de clarifier cela. On peut bien comprendre que le Conseil Constitutionnel puisse permettre qu’il soit candidat au nom des arguments que j'ai développés”, a-t-il éclairé.
Pour les candidatures de l’ancien Premier ministre, Guillaume Soro et l’ancien chef de l'État, Laurent Gbagbo, le conférencier a observé leur inéligibilité vis-à-vis de loi. Avant de plaider une solution politique pour les deux personnalités.
Pour finir, il a jeté un regard sur la démocratie au sein de son ancien parti le PDCI. Pour lui, le parti doyen ne respecte pas ses règles surtout en matière électorale. Sinon, le candidat Jean Louis Billon ne serait pas autant inquiété parce qu'il sollicite le parrainage du PDCI pour le compte de l’élection présidentielle d'octobre prochain. “L’article 95 des statuts du PDCI stipule que la désignation des candidats à toutes les élections d’État est effectuée par voie d’élections primaires. Sauf cas de candidature obtenue par consensus. L’article 128 du règlement intérieur dit que tout candidat battu à une élection primaire organisée par le PDCI qui se présente en candidat indépendant à l’élection d’État concernée est traduit devant le conseil de discipline. Le principe affirmé de la désignation d’un candidat, c'est l’élection primaire. Comment est-ce que la pluralité de candidature acceptée par les militants et les électeurs du PDCI en 1980, on est soit presque’ incapable 45 ans après. On refuse d’appliquer les textes du parti”, a-t-il constaté. Pour lui, Jean-Louis Billon fait valoir un droit constitutionnel et n'est nullement indiscipliné comme le disent les responsables actuels du PDCI.
Lacina Ouattara