Sur une col : Leadership non partagé…

Les apparences peuvent être parfois trompeuses et un front, aussi commun qu’il puisse se proclamer, peut cacher des objectifs tout autant inavoués qu’antinomiques. La dernière marche conjointe du PPA-CI et du PDCI qui a eu lieu à Yopougon a montré que ces deux formations politiques ont peut-être battu ensemble le même pavé, mais ne regardaient pas forcément dans la même direction.
Le 9 avril, sur les deux kilomètres qui séparaient le cinéma Saguidiba à la place Ficgayo, les militants des deux partis ne semblaient pas avoir « en commun » l’objectif final de cette manifestation. Les militants PDCI scandaient des slogans et brandissaient des pancartes en faveur de Tidjane Thiam comme chef de file du Front commun. Tandis que ceux du PPA-CI faisaient de même pour Laurent Gbagbo, affirmant qu’il devait naturellement être le leader de la coalition au regard de son expérience et de son poids historique.
Certes, on pourrait estimer de bonne guerre, cette « compétition d’ovations » en lui donnant un cachet symbolique. Le symbole d’une rivalité saine, qui n’occulterait pas que le Front commun fonctionne avant tout avec une co-présidence et un partage paritaire des responsabilités. Il est vrai en outre que rien de vraiment perceptible ne saurait traduire à ce stade une fracture plus ou moins ouverte entre les deux entités. Mais la scène qui n’a échappé à personne a tout de même révélé quelque chose de volatile qui pourrait s’avérer le signe avant-coureur d’une fâcherie future entre les « copains » d’aujourd’hui.
D’autant qu’elle trahit l’évidence que la base militante n’est pas totalement alignée sur l’idée d’un leadership partagé. Autrement dit, au PDCI, on ne semble pas prêt à accepter que Tidjane Thiam, le grand polytechnicien et banquier qui a selon lui-même « aidé » Gbagbo à se maintenir au pouvoir face à Robert Guéi, en être le second couteau. Idem au PPA-CI où il faudra marcher sur le corps des fameux « GOR » pour laisser l’opposant historique, l’homme qui a mené tous les combats, se laisser guider par un « petit novice », qui n’est même pas attaché à la mère patrie, comme l’a quelque fois ouvertement déploré l’ancien chef de l’Etat.
A la vérité, la fracture – si elle venait à survenir – serait le résultat d’une alliance foncièrement contrenature entre deux partis que tout oppose et qui s’aiment comme chien et chat. Pour l’heure, il n’y a pas de l’eau dans le gaz. Mais tout peut basculer sur un simple détail.
KORE EMMANUEL