Forum pour la Paix : La gestion foncière et la justice transitionnelle au cœur des débats dans le Grand Ouest

Forum pour la Paix : La gestion foncière et la justice transitionnelle au cœur des débats dans le Grand Ouest
Les chefs traditionnels sont appelés à jouer un rôle clé dans la gestion foncière.

La journée scientifique, qui s'est tenue le jeudi 14 août 2025 dans le Cavally, a marqué le deuxième jour du forum du grand ouest pour la paix. La ministre d'État Anne Ouloto, présidente du conseil régional du Cavally et initiatrice de ce forum, a accueilli en tant qu'invités d'honneur la ministre de la Cohésion Nationale, de la Solidarité et de la Lutte contre la Pauvreté, Myss Belmonde Dogo, ainsi que le président du COJEP, Charles Blé Goudé.

Cette journée, qui s'est déroulée au siège du conseil régional à Guiglo, chef-lieu de la région, a été rythmée par une conférence inaugurale, deux panels et un atelier.

La ministre d'Etat, présidente du Conseil régional du Cavally, a ouvert le Forum du Grand Ouest

La conférence inaugurale, intitulée "Paix, gouvernance et résilience : mise en contexte et perspective", a été donnée par le professeur Flan Moquet, enseignant-chercheur à l'université Alassane Ouattara de Bouaké. Pour une paix durable dans le grand ouest, il a recommandé une légitimité des acteurs qui gouvernent les institutions et la résilience des populations. Il a défini la résilience comme la capacité d'un groupe à faire face à des chocs. Il a également indiqué que la paix n'est pas seulement l'absence de guerre, mais qu'elle suppose aussi la justice.

Le premier panel, portant sur "La gouvernance du foncier rural, un levier pour une paix durable", a réuni d'éminents intervenants : le professeur Simplice Yodé Dion, enseignant-chercheur à l'université Félix Houphouët-Boigny ; l'actuel préfet de la région du Worodougou, Karim Diarrassouba, qui a également servi à Toulépleu durant la crise post-électorale de 2010 ; Monsieur Mathieu Koffi de l'Agence de la gestion foncière (AFOR) ; le docteur Kouassi Kouadio Édouard, sociologue ; Pekao Franck Roland, chef de terre de Duékoué ; et le maire de la commune de Saïoua, le docteur Ibrahim Lokpo.

Ce panel a mis en lumière un constat : la gestion foncière est une véritable source de conflits. Elle menace la paix dans cette région de l'ouest, sujette à de fortes migrations. Souvent, les terres demandées sont cédées sans que les communautés locales ne prennent de grandes précautions, ce qui peut engendrer des conflits futurs. Fort heureusement, le gouvernement, en collaboration avec l'AFOR, a déjà entrepris la sécurisation des terres rurales.

Pour assurer une meilleure compréhension de cette procédure, la ministre d'État Anne Ouloto a annoncé la tenue d'un séminaire de formation, exclusivement réservé aux chefs de cantons, de villages et de communautés du pays Wê. L'objectif est qu'au terme de cette formation, chaque partie sache quel est son rôle exact dans un contrat de cession de terre. Ce panel a en effet mis en évidence le rôle central des chefs dans la gestion foncière, un rôle qui demande de leur part responsabilité, crédibilité et sagesse. "La paix ne sera pas possible tant qu'on n'aura pas une bonne gestion du foncier", a affirmé la présidente du conseil régional, pour qui l'essentiel est l'adoption d'une approche participative et inclusive dans la gestion des problèmes fonciers.

Le second panel de cette journée scientifique, intitulé "Justice transitionnelle et mémoire collective tournée vers la paix", a permis un partage d'expériences sur la gestion des conflits en pays Bron et Kroumen. Il ressort des interventions que la justice transitionnelle n'est pas étrangère à nos sociétés. C'est une justice qui requiert de la volonté, la vérité, la réparation et l'engagement de tous.

La ministre de la Cohésion Nationale, de la Solidarité et de la Lutte contre la Pauvreté, Myss Belmonde Dogo, a exhorté les populations à accomplir un exercice de catharsis, qu'elle a appelé le devoir de mémoire collective. "En Côte d’Ivoire, on a peur de notre mémoire collective. Même si elle nous fait honte, il faut la regarder, non pas pour se venger, mais pour nous souvenir et ne plus reproduire la même chose", a-t-elle déclaré, appelant les communautés à ne surtout pas oublier leurs coutumes.

Juste avant, c'est Charles Blé Goudé, président du COJEP, qui exhortait ses "parents" à tout mettre en œuvre pour éviter une seconde crise au grand ouest, une région qui a déjà payé un lourd tribut aux crises précédentes. "Tant que le crapaud n'est pas tombé dans l'eau chaude, il ne sait pas qu'il y a deux qualités d'eau. En Côte d'Ivoire, comme un avion qui tombe, nous devons trouver la boîte noire et tirer les leçons de notre crise".

Cette journée scientifique a pris fin avec la restitution de l'atelier sur le diagnostic communautaire participatif, qui a permis aux grands groupes communautaires cohabitant avec leur "tuteur" Wê de se prononcer sur les attitudes et comportements souvent à l'origine des conflits dans la région. Ils ont fait des propositions pour y remédier.

Notons que ce forum, qui se poursuivra jusqu'au samedi 16 août 2025, a pour thème : "Le grand ouest : de la guerre à la paix retrouvée, un symbole pour la Côte d'Ivoire, une expérience à partager."

Rossignol Konan