Interview - Georges Ibrahim Tounkara ( président de la Fondation pour la  Démocratie et le Développement) : « Notre objectif, c’est faire en sorte qu’il n’y ait pas de violence pendant les périodes électorales »

Journaliste ivoirien basé à Bonn en Allemagne, où il travaille pour la Deutsche Welle, Georges Ibrahim Tounkara, a décidé de créer une fondation pour promouvoir la démocratie et le développement en Afrique. Dans cet entretien, il explique les enjeux de ce combat et dévoile les actions qu’il compte mener en 2025, avec son équipe, pour que les Ivoiriens ne s’entredéchirent pas lors de l’élection présidentielle d’octobre prochain.

Interview - Georges Ibrahim Tounkara ( président de la Fondation pour la  Démocratie et le Développement) : « Notre objectif, c’est faire en sorte qu’il n’y ait pas de violence pendant les périodes électorales »
« Nous sommes là pour faire en sorte que la politique ne divise plus les Ivoiriens »

Le Patriote : Comment a germé l’idée de cette fondation ?

Georges Ibrahim Tounkara : Elle m’est venue, il y a une dizaine d'années, en 2013-2014. Etant journaliste à la Deutsche Welle, j’ai suivi plusieurs crises sur le continent notamment en Guinée, à Madagascar en RDC et en Côte d’Ivoire.  En tant que journaliste et observateur, j’ai constaté que dans la plupart des pays, en Afrique, il y avait des tensions liées au processus démocratique.  Quand on entre dans la phase électorale, les gens s’entredéchirent, la question ethnique refait surface. Il y a beaucoup de morts. J’en ai déduit que la démocratie n’avait pas été bien expliquée aux populations et qu’il fallait faire quelque chose dans ce sens, expliquer ce qu’est la démocratie, ce qu’elle n’est pas. Promouvoir la coexistence pacifique. C’est ainsi que j’ai fait appel à des amis et à des proches pour qu’on mette en place cette fondation en 2014. Mais, jusque-là nous n’avions pas pu mettre en place nos actions et c’est maintenant que nous le faisons.


LP : Concrètement, que comptez-vous faire ?

GIT : Nous comptons aller à la rencontre des populations aussi bien en zone urbaine qu’en zone rurale, leur faire comprendre ce message de paix et de coexistence pacifique et aussi que la démocratie ce n’est pas la guerre, le tribalisme. Il s’agit, pour nous, de faire la politique autrement, sans violence, avec zéro mort, en prenant en compte ce qu’on gagne en suivant un candidat. Il ne faut pas suivre un candidat parce que vous êtes de la même région, la même ethnie, la même tribu. C’est ce que nous voulons faire comprendre aux gens. Que la politique, c’est tout sauf la violence. C’est surtout les programmes de développement et non le régionalisme, le tribalisme ou l’ethnicisme. Nous pensons qu’il y a un manque de formation au niveau des masses et même de certaines élites.  Les masses n’ont pas été préparées, il y a un peu plus de trente ans, à la démocratie. En 1990, nous avons été sommés d’aller à la démocratie alors qu’on n’avait pas préparé les populations à cela. Conséquence, c’est les violences ; nous avons malheureusement vu ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire, du fait de la mauvaise compréhension de la démocratie. Nous irons dans les écoles primaires, les collèges, les lycées, les universités pour expliquer la démocratie aux jeunes. Nous irons aussi dans les quartiers pour sensibiliser les populations sur cette notion. Nous allons  faire venir des experts d’Afrique, d’Europe, des Etats-Unis qui vont venir partager leurs expériences en matière de démocratie. Nous voulons également inviter des intellectuels et des acteurs de politiques des pays de l’AES ( Alliance des Etats du Sahel) pour savoir comment ils en sont arrivés là. Pourquoi le Mali qui était un modèle de démocratie a plongé aujourd'hui. Il y a du travail à faire. Nous voulons être dans tous ces pays pour faire la promotion de la démocratie.


LP : Allez-vous aussi rencontrer partis politiques ?

GIT :  Oui, nous avons prévu tout cela. Nous allons rencontrer la plupart des partis politiques en Côte d’Ivoire, et associer les hommes politiques à nos panels. Mais, nous ne voulons pas faire de la politique politicienne. Nous sommes là pour faire en sorte que la politique ne divise plus les Ivoiriens, les peuples africains.  Notre objectif, c’est faire en sorte qu’il n’y ait pas de violence pendant les périodes électorales. Et pour y parvenir, on ne saurait s’adresser qu’aux populations, il faut aussi s’adresser aux hommes politiques qui ont une grande responsabilité. 


LP : Dans 11 mois, c’est l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Comment appréhendez-vous cette échéance ?

GIT :  C’est un rendez-vous important pour le pays. Nous voulons apporter notre contribution à la construction de la démocratie et de la paix en Côte d’Ivoire et ailleurs en Afrique. C’est pourquoi, nous voulons rapidement être sur le terrain. Nous comptons sur l’appui de l’Union européenne, des ambassades d’Allemagne, des Etats-Unis, du Canada, du Japon, de la Belgique, de la France et du Pnud. Nous avons besoin de moyens pour aller sur le terrain notamment dans les zones confligènes. Nous ambitionnons d’aller un peu partout en Côte d’Ivoire pour promouvoir la démocratie, le vivre ensemble, la coexistence pacifique entre les populations. Nous voulons être à Daoukro, Yamoussoukro, Gagnoa, Abengourou, Korhogo, bref aux quatre coins du pays pour faire comprendre aux populations que cette élection ne doit pas donner lieu à des violences. Il ne sert à rien de s’entredéchirer pour la politique. Notre souhait, c’est que l’élection présidentielle de l’an prochain soit apaisée. Que les Ivoiriens ne s’entretuent pas à cause de la politique. Ce n’est pas bon. Si nous parlons aujourd’hui de développement, c’est parce qu’il y a la paix et la stabilité. Aujourd’hui, le désordre de 2010-2011, je l’espère, est derrière nous. Je suis venu, j’ai vu le travail de développement qui est fait par les autorités ivoiriennes. Il faut les féliciter. C’est d’ailleurs des leviers sur lesquels nous allons appuyer, car nous parlons aussi de développement. La Côte d’Ivoire a véritablement changé en bien, il y a beaucoup de bonnes choses, mais il y a encore des défis à relever notamment au niveau de la santé. Des gens peinent encore à se soigner. 


Réalisée par Y. Sangaré