Octobre Rose-Pr Judith Didi-Kouko (directrice du CNRAO) aux populations : « On peut guérir du cancer de nos jours, à condition de le détecter plus tôt par le dépistage »

Octobre Rose-Pr Judith Didi-Kouko (directrice du CNRAO) aux populations : « On peut guérir du cancer de nos jours, à condition de le détecter plus tôt par le dépistage »

« (...) S’il vous plaît, faites-vous dépister. Ce n'est pas le dépistage qui va entraîner le cancer dans vos vies. Il permet juste de contrôler votre organisme alors que vous ne sentez rien. S'il n'y a pas de cancer, le dépistage va être normal. Mais s'il y a un cancer caché quelque part, le dépistage va permettre de le voir.  On peut guérir du cancer de nos jours, à condition de le détecter plus tôt par le moyen du dépistage ». Plus qu’un message de sensibilisation, c’est un cri du cœur que le Professeur Judith Didi-Kouko Coulibaly, directrice du Centre national d'oncologie médicale et de radiothérapie Alassane Ouattara (CNRAO), a lancé dans l’interview qu’elle a accordée au Centre d’information et de communication gouvernementale (CICG). 
Un entretien réalisé dans le cadre d’Octobre rose, mois dédié à la sensibilisation sur le cancer du sein dans le monde. Comme elle ne cesse de le répéter, Professeur Judith Didi-Kouko Coulibaly a insisté sur l’importance du dépistage dans la guérison du cancer.  Un examen qui, a-t-elle expliqué, permet de découvrir plus tôt l’existence du cancer avant l’apparition des premiers signes cliniques. « Le dépistage permet de contrôler le corps de celui qui se dit en bonne santé pour s’assurer effectivement qu’il n’a pas de maladie cachée. En médecine, lorsqu’un cancer du sein est découvert tôt par un dépistage, on peut en guérir dans 9 cas sur 10. Dans un tel cas, l'ablation du sein et parfois même la chimiothérapie ne sont pas obligatoires », a-t-elle déclaré.
Dans le cas où le cancer du sein est découvert au stade de la maladie, l’oncologue recommande la consultation d’un spécialiste, un gynécologue ou un cancérologue, pour bénéficier de soins appropriés. Ce dernier, a-t-elle indiqué, va se poser trois principales questions : la maladie est-elle petite et restée sur place ? La maladie est-elle sur place, mais plus grosse ? La maladie s'est-elle métastasée ? La réponse à chacune de ces interrogations fait appel à des stratégies de traitement complètement différentes. Il y a aussi des examens supplémentaires (IRM, Scintigraphie osseuse, TEP scanner le cas échéant, biologie) qui sont nécessaires pour mieux identifier l’extension de la maladie. « A la suite de ces examens, les médecins vont se retrouver en collège pour des concertations pluridisciplinaires (gynécologue, cancérologue médical, cancérologue radiothérapeute, radiologue, anatomopathologiste, médecin nucléaire). C’est donc ce noyau de cinq spécialistes qui va analyser le dossier de la patiente ou du patient (on peut avoir le cancer du sein chez les hommes) pour décider, à partir de référentiels internationaux, du traitement médical spécifique », a-t-elle détaillé.  
Outre le traitement médical, le malade bénéficie aussi d’un traitement d'accompagnement ou soin de support (soutiens psychologique, social, spirituel, nutritionnel, esthétique…). Ce sont, a-t-elle insisté, des soins capitaux dans la prise en charge d’un malade du cancer. En somme, le patient bénéficie d’une prise en charge holistique.

Le CNRAO, locomotive dans la lutte contre les cancers en Côte d’Ivoire

En Côte d’Ivoire, la volonté politique est une réalité dans la lutte contre les cancers en général, et le cancer du sein, en particulier. Pour atteindre son objectif  de faire de la Côte d’Ivoire un pays où le cancer n'est plus un drame, mais une maladie chronique, le gouvernement a mis en place le Programme national de lutte contre le cancer.  Ce programme sous tutelle du ministère de la Santé coordonne toutes les actions de lutte. Au plan médical, il y a les services de diagnostic du cancer (radiologie, biologie, anatomie pathologique, institut de médecine nucléaire) et les services de traitement du cancer (gynécologie obstétrique dans le cadre de la chirurgie des cancers du sein), les services de cancérologie du CHU de Treichville et de Bouaké, et le Centre national d'oncologie médicale et de radiothérapie Alassane Ouattara (CNRAO).
 Par ailleurs la formation de spécialité qui concerne les médecins (oncologues médicaux et oncologues radiothérapeutes), les physiciens médicaux (une des nouvelles spécialités radiothérapie), les agents de santé qui relève de l'Institut national de formation des agents de santé (INFAS), est aussi assurée.
Aussi, le partenariat entre l'État de Côte d'Ivoire et le laboratoire Roche permet la gratuité dans les hôpitaux publics de certains médicaments anticancéreux, dont le coût varie entre 1,5 million et 4,2 millions de FCFA par séance, à raison d'une séance tous les 14 ou 21 jours (en fonction de la pathologie) et pendant au minimum un an. « Ces médicaments ont révolutionné le traitement du cancer à travers le monde », a salué la spécialiste. Qui a toutefois pris le soin de préciser que tous les traitements anticancéreux ne sont pas gratuits.

 S’agissant du CNRAO dont elle a la gestion, Professeur Judith Didi-Kouko Coulibaly a rassuré que le centre tient bien son rôle de locomotive dans la lutte contre les cancers en Côte d’Ivoire. Depuis son ouverture à la population le 25 janvier 2018 à la date du 30 juin 2024, le CNRAO a reçu 12 160 nouveaux patients, réalisé 63 873 consultations, effectué 3 204 traitements par radiothérapie, 29 461 cures de chimiothérapie et hauts traitements assimilés, 162 581 analyses biologiques et enregistré 7876 participations aux différentes activités d'accompagnement.
En plus de mettre en place des structures et équipements nécessaires pour le traitement efficace du cancer, l’Etat permet aussi des facilités financières dans le traitement. « Plus particulièrement au CNRAO, grâce au soutien et aux instructions du gouvernement, à travers le ministère de la Santé, pour les traitements qui ne sont pas gratuits, en plus du fait que les tarifs soient étudiés (pour un hôpital public), aucun traitement n’est retardé pour des raisons financières. Lorsque les factures pro forma sont délivrées, les personnes qui ont les moyens payent directement pour leurs soins. Mais pour celles qui n’en ont pas, elles sont immédiatement prises en charge, et ont la possibilité de payer de manière différée et par fractionnement par le truchement de l’assistante sociale qui va leur présenter le circuit de recouvrement afin de leur permettre de payer à leur rythme. Nous délivrons pour ce faire un reçu de paiement à ceux qui se sont acquittés des frais et un document relatif au paiement différé pour mieux faire le suivi des personnes qui ont choisi ce mode de règlement », a-t-elle expliqué. 
Grâce à l’existence de structures de prise en charge, de plateau technique de pointe, à la gratuité de certains médicaments et à la facilité de paiement du traitement, le taux de survie du cancer sein, a déclaré l’oncologue, est en hausse en Côte d'Ivoire. En 2022, l’étude d’impact du CNRAO, après trois ans de fonctionnement, révélait une réduction de  25% de risque de décès par cancer du sein pour les personnes suivies au CNRAO, sans différence au niveau scientifique entre les personnes qui ont de l'argent, celles qui n'en ont pas ou qui en ont un peu. Cinq ans plus tard, la même étude a montré que les résultats vont en s'améliorant. 
Pour le professeur Judith Didi-Kouko Coulibaly, ces résultats sont  la preuve que les actions sociales de l'État ont atteint leurs objectifs.

DM