Reportage-Ex-décharge d'Akouédo : Les déchets ont fait place à un parc urbain et à un paysage verdoyant

La décharge d’Akouedo a, pendant longtemps, été l’objet de conflit entre les populations riveraines et le gouvernement.  A maintes reprises, celles-ci ont bloqué l’entrée du site, empêchant du coup les camions de ramassage de décharger les ordures collectées dans le district d’Abidjan. Il s’agissait ainsi pour elles de manifester leur colère et surtout leur désir de se voir débarrasser de cette décharge devenue encombrante.   C’est chose faite depuis le 29 décembre 2018 avec la fermeture définitive de la décharge. Mais, le gouvernement ne n’est pas contenté de fermer le site et l’abandonner. Un projet de sa réhabilitation et de création d’un parc urbain a été annoncé. C’est ce projet que le groupe PFO Construction est en train de réaliser et qu’il nous a été donné de constater. Notre reportage.

Reportage-Ex-décharge d'Akouédo : Les déchets ont fait place à un parc urbain et à un paysage verdoyant

Mercredi 21 août 2024. Il est 12h 04 mn lorsque nous arrivons à Akouedo. Akouedo, c’est ce village situé dans la commune de Cocody qui est devenu célèbre à cause de la décharge à ciel ouvert qu’il abritait et qui recevait les déchets ménagers et assimilés de tout le district d’Abidjan.  Six ans en arrière, lorsqu’on arrivait dans ce village atchan, on n’avait pas besoin de se poser des questions. L’odeur pestilentielle qui enveloppait tout le village et qui vous prenait déjà à la gorge à l’entrée du bourg, informait sur l’existence d’une décharge non contrôlée dans la zone. C’est justement sur cette décharge que nous nous rendons. Mais, ce mercredi 21 août 2024, nous sommes agréablement surpris de ne pas respirer l’odeur infecte des déchets dans le village. Notre surprise sera encore plus grande une fois arrivée à la décharge. Point de déchets sur le site. Point de ces grands oiseaux attirés par les ordures et les grosses mouches qui avaient élus domicile à la décharge. Ont également disparues toutes ces personnes rencontrées habituellement sur cette vaste poubelle, à la recherche de toutes sortes d’objets recyclables. Notamment des bouteilles, des bidons de tout genre et de la ferraille. 
En lieu et place de ce décor autrefois affligeant, c’est un autre paysage qui nous accueille :  la verdure, des aires de jeux, des bâtisses modernes et surtout  nous avons droit et un air bien pur. Où sont les déchets ? « Les déchets se sont volatilisés », nous répond en souriant Monsieur Soro Noël, directeur des projets pour le compte de PFO construction, entreprise chargée de l’aménagement de la décharge. 

53 ans d’exploitation à ciel ouvert !

C’est en 2018 que le gouvernement décide de la fermeture définitive de la décharge d’Akouedo.  Laquelle avait été mise en service en 1965, soit 53 ans d’exploitation. Pendant toute cette période, elle fut le principal exutoire des déchets ménagers et industriels du district d’Abidjan avec plus d’un million de tonnes de déchets par an. Ainsi, jusqu’à sa fermeture le 29 décembre 2018, la décharge d’Akouedo avait reçu près de 53 millions de tonnes de déchets. 
A sa fermeture, le gouvernement confie sa réhabilitation au groupe du BTP PFO Construction, filiale du groupe PFO Africa.  Mais, c’est un an et demi plus tard que les travaux de réhabilitation démarrent véritablement. Sois au mois de juillet 2020. En quoi consiste le projet ?  « Il s’agit de réhabiliter la décharge et de créer sur le site un parc urbain », explique M. Soro. 
 Les travaux, détaille-t-il, ont consisté au remodelage du massif des déchets et à l’adoucissement des pentes ; à la mise en œuvre d’une couverture étanche, à la collecte des eaux, des lixiviats et du biogaz. Qui est transformé pour donner l’énergie (de l’électricité) et enfin la création d’un parc urbain. 
C’est ce travail qui a été fait dans les zones Entrée Nord (EN) et A du site et que M. Yoccoly Elvis, le responsable des travaux, s’est chargé de nous montrer en détail, une fois le débriefing fait par le directeur du projet. Car pour travailler sur ce site de 88 ha, l’entreprise commise à la tâche a subdivisé la décharge en 4 zones (EN, A, B et C). La zone EN fait 5,04 ha. La zone A (24,70 ha) est la plus ancienne. « C’est pourquoi nous avons démarré par ces deux zones car le massif est déjà stabilisé », explique M. Yocolly Elvis.

Un parc urbain des plus attractifs

Avec M. Yocolly, nous commençons la visite par la zone EN, ou tout simplement par le parc urbain qui a bel et bien vu le jour. L’entrée est bordée de fleurs. S’y trouve également la billetterie. « C’est ici qu’on prend le ticket pour avoir accès au parc », indique le responsable projet en nous montrant une maison bâtie sous forme de case ronde. Une fois l’entrée franchie, nous avons accès aux aires de jeux pour enfants, aux terrains de sport (maracana, handball, basketball). Il s’y trouve également la piste de jogging et la grande pelouse encore appelée espace Cinéma. « L’idée, c’est qu’on puisse faire des parties cinéma en plein air », explique notre guide. Pour atteindre l’espace Cinéma, nous traversons l’Allée des Géants.  Ce nom a été donné à ce couloir, selon M. Yocolly Elvis, parce qu’il est bordé par des arbres qui appelés à grandir pour atteindre une certaine hauteur. Et aussi parce que cette allée débouche sur les 4 géants (des sortes de tours). Tout le long de l’allée, sous les arbres, des espaces (lumineux la nuit) ont été aménagés pour servir de banc.
 L’autre côté de l’allée est bordé de cases rondes, servant de sanitaires et de box pour le commerce. Cette allée débouche aussi sur la Maison de l’environnement et la bibliothèque. « La Maison de l’environnement peut abriter des expositions et des conférences publiques », nous renseigne notre guide. Qui précise que vu d’en haut, le site, surtout du côté de la grande pelouse, se présente sous forme d’ivoire. Cela, en hommage à l’éléphant, symbole de la Côte d’Ivoire.    
En gros, pour créer ce parc urbain, il a fallu remodeler les déchets, faire des tranchées de captage du biogaz, poser un dispositif d’étanchéité, des couches minérales et enfin la végétalisation. Bien évidemment, il a fallu aussi créer des voies d’accès et un local technique pour l’entretien du parc. 
Mais, la réhabilitation de la décharge ne s’arrête pas là.  Sur la zone A, après les travaux préalables (remodelage du massif, pose du dispositif d’étanchéité, les couches minérales et la couche végétalisable), les travaux de confinement ont consisté à la création de 80 puits de captage de biogaz et mixte, du bassin lixiviat, des réseaux de connexion des têtes de puits et la voie technique. Tout ce travail a permis la végétalisation de la zone, la création d’une passerelle métallique surélevée pour randonnée de 700m, la pose des agrès de sport et l’aménagement d’une piste de jogging.


Sur la zone B (26,67 ha), qui est un site de dépôt récent, outre la reprise des travaux effectués sur la zone A, sur cette zone a vu le jour l’usine de cogénération. Le lixiviat et le biogaz captés convergent vers cette usine pour être traités. « Le biogaz est transformé en électricité et le lixiviat nous donne une eau non polluée qu’on rejette dans la lagune », commente M. Yocolly.   Cette eau est rejetée dans la lagune car malgré son traitement, elle a toujours un taux de salinité encore élevé pour être utilisée dans la culture maraichère. L’objectif, ajoute-il, est de faire faire en sorte que l’électricité produit par le biogaz puisse alimenter le parc.
La zone C qui se trouve être la dernière partie du site est la plus récente. Elle a une surface de 24,38 ha. Les travaux sur cette zone concernent essentiellement le remodelage du massif, la création de 78 puits captage de biogaz et mixte, l’ouverture de connexion des têtes de puits, la pose du dispositif étanchéité, les couches minérales, la couche végétalisation, l’enherbement et les voies d’accès. A notre passage, les travaux sur ce dernier site étaient à la phase d’enherbement. 
Selon le cahier de charges, le projet de réhabilitation prend fin le 30 décembre 2024 et le parc urbain sera remis au gouvernement via le ministère de l’Hydraulique, de l’Assainissement et de la Salubrité. Si tout se passe comme prévu, dans quatre mois le district d’Abidjan aura un nouveau parc urbain. L’histoire retiendra aussi que ce parc repose sur des tonnes de déchets enfouis dans le sol.


Dao Maïmouna

Œillères 

Un projet modèle
La transformation de la décharge d’Akouedo en parc urbain est devenue aujourd’hui un modèle en Afrique. Plusieurs pays de la sous-région sont venus s’en inspirer. De même que la Banque mondiale dont une délégation de 75 membres a visité le site lors de la journée de l’environnement. Tous étaient émerveillés et surpris qu’un tel projet soit réalisé en Côte d’Ivoire. 

Une reproduction des différentes végétations 
D’une zone à une autre, l’entreprise chargée de la réalisation du projet a reproduit différentes végétations de la Côte d’Ivoire. Notamment la forêt et la savane arborée et herbeuse.