Contribution : Tidjane Thiam renforce ses habits de l’incohérence   

Contribution : Tidjane Thiam renforce ses habits de l’incohérence    

L’analyste politique Kalil Coulibaly décrypte, avec pertinence, le jeu trouble de chaise musicale mené au PDCI-RDA sur fond du vrai faux départ de Tidjane Thiam  de la tête du vieux parti.

 

 

Voici des moments où l’histoire politique se met à écrire, non des chapitres, mais des fables. Celle de Tidjane Thiam, président démissionnaire mais délégué autoproclamé, s’inscrit dans cette tradition d’un théâtre où l’absurde tutoie l’arrogance et où le droit devient un accessoire de mise en scène.

 

La lucidité se fait aveu

 

Le 11 mai 2025, Tidjane Thiam, cerné par un prétendu « harcèlement judiciaire », remet son mandat entre les mains du Parti.  Le geste, théâtral mais pesant de conséquences, aurait pu être celui d’un homme d’État. Mais à peine la démission actée, voilà qu’il réapparaît sous un autre titre : Président Délégué.  L’oxymore est trop beau pour ne pas être relevé : démissionner pour mieux rester.

Il y a là une forme rare de lucidité comme un aveu déguisé. En se retirant, Tidjane Thiam reconnaît sans le dire que Valérie Yapo avait raison depuis le début : les statuts du PDCI-RDA ont bel et bien été bafoués.  Ce retrait sonne comme l’aveu silencieux de ce que sa contradictrice ne cesse de dénoncer, la violation des textes.

Mais en fuyant la lumière du titre, il admet que son maintien à la tête du Parti était devenu illégitime. Il donne ainsi raison, à mots couverts, à celle qu’il avait jusque-là combattue : dame Yapo détient la vérité statutaire.

 

La résolution de 2013 ou le pouvoir du président en poste

 

Mais alors, qui a nommé le président délégué ? La décision n°001/2025/PPI/CAB du 11 mai 2025, signée par Ernest N’Koumo Mobio, président par intérim, le proclame. Elle s’appuie, entre autres, sur la résolution spéciale N°03/06/2013, qui donne au président du PDCI-RDA le pouvoir de structurer, réorganiser, nommer, créer des commissions. Mais cette résolution, soyons sérieux, ne s’applique qu’au président en fonction légitime, pas à un président contesté devant les juridictions et démissionnaire, ou à un intérimaire qui agit comme régisseur d’un théâtre en feu.  Que Mobio use de cette résolution pour « officialiser » un président considéré illégal qui n’est plus en exercice, c’est faire du droit une marionnette, et du parti un théâtre de marionnettes. La boucle est bouclée : Tidjane Thiam, en nommant Mobio par son retrait, a permis à Mobio de le renommer dans un rôle qui n’existe pas dans les statuts. Une manœuvre si tordue qu’elle ferait rougir les auteurs de comédies les plus inventifs.

 

La plainte de Valérie Yapo, le couteau du droit

 

Mais voilà que le rideau ne tombe pas si facilement. Valérie Yapo ne se laisse pas distraire par les effets spéciaux. Elle saisit la justice, non pour des raisons sentimentales, mais pour violation des statuts du PDCI. Et ce n’est pas la « déchéance » qui l’obsède, mais la nullité juridique des actes pris. Tout ce qui découle de cette mascarade nominations, réunions convoquées, décisions prises est désormais sous le scalpel de la légalité. Il ne s’agit donc plus d’un simple conflit de personnes. Il s’agit d’un conflit de légitimité, entre le théâtre politique et la rigueur statutaire. La plainte portée par Valérie Yapo devient alors un acte de salubrité partisane. C’est une protestation contre la personnalisation du pouvoir, contre les tours de passe-passe administratifs, contre la banalisation des textes fondateurs.

Une fin de règne en trois actes : abandon, recyclage, éviction

             Acte I : le président abandonne le trône.

             Acte II : le président réapparaît en coulisses, affublé d’un titre cousu sur mesure.

             Acte III : la justice frappe à la porte.

En politique, l’aveu est rare. Thiam vient pourtant de s’en offrir un, avec une élégance paradoxale : se renommer lui-même par personne interposée, tout en admettant l’existence d’un problème qu’il s’évertuait à nier. Ce faisant, il ne fait que renforcer la plainte de Valérie Yapo : ce n’est pas la déchéance qui est première, c’est la transgression des statuts. Et cette transgression contamine tout. La « nomination » du président délégué est dès lors une œuvre de papier, un texte creux qui s’effondre sous le poids de sa propre illégitimité.

 

Quand l’ordre statutaire résiste au désordre stratégique

 

Le PDCI-RDA ne mérite ni des simulacres de gouvernance, ni des jeux de chaise musicale. La tragédie qui se joue est moins celle d’un homme que celle d’un parti menacé par l’érosion du droit et la théâtralisation du pouvoir. En voulant contourner l’obstacle, Tidjane Thiam vient de tomber dans le piège de sa propre manœuvre. Et c’est Valérie Yapo, dans sa rigueur quasi notariée, qui incarne aujourd’hui la boussole statutaire. La suite ? Elle appartient désormais à ceux qui liront, ligne à ligne, les statuts et non entre les lignes des ambitions.

 

Kalilou Coulibaly, Doctorant EDBA, Ingénieur