Interview-Mabri Toikeusse (président du conseil régional du Tonkpi ) : « Le Tonkpi est stratégique pour le RHDP »
À la tête du conseil régional du Tonkpi depuis 2013, le ministre Albert Toikeusse Mabri dresse un bilan positif de sa gestion marquée par des avancées dans l’éducation, la santé, les infrastructures, et l’agriculture. Invité de la Tribune Focus Développement, initiée par l'Union des journalistes pour la promotion des actions du gouvernement (UJPAGCI) en marge du festival Tonkpi Nihidaley, il a abordé les enjeux politiques régionaux, affirmant son engagement pour le RHDP en vue des échéances de 2025.
Le Patriote : Monsieur le Ministre, pouvez-vous nous faire un bilan de votre action à la tête du conseil régional depuis votre élection ?
Albert Toikeusse Mabri : Merci de cette opportunité. Depuis que j’ai pris la présidence du conseil régional, nous avons mis en place un plan stratégique pour déterminer nos priorités. Nous avons identifié plusieurs piliers de développement, notamment l’agriculture, le tourisme, les mines et les infrastructures. En ce qui concerne l’agriculture, notre région est une grande productrice de café, cacao, noix de cajou, et autres produits comme le riz de Danané. Nous avons également développé le tourisme, car notre région regorge de sites naturels et culturels remarquables, qui constituent une véritable richesse.
LP : Quels sont les investissements majeurs réalisés par le conseil régional dans le domaine de l'éducation et de la santé ?
ATM : L’éducation a été notre priorité. En douze ans, nous avons construit plus de trente collèges, et nous visons d’en construire quarante d’ici deux ans. Certains d’entre eux seront transformés en lycées pour répondre à la demande croissante au niveau du secondaire. Nous avons aussi encouragé l’éducation des jeunes filles en rapprochant les écoles des villages. Par ailleurs, en matière de santé, nous avons construit des centres de santé, des maternités, et nous avons équipé des hôpitaux généraux et des CHR. L’État nous a également soutenus avec la construction de l’université polytechnique de Man et d’hôpitaux modernes comme le CHR de Man, doté d’équipements de pointe.
LP : Qu’en est-il des infrastructures routières dans la région ?
ATM : Les infrastructures routières sont essentielles, mais elles représentent un défi majeur. La région, en raison de sa forte pluviométrie, nécessite des investissements constants. Nous avons entrepris des travaux sur plusieurs routes, comme celle reliant Biankouma à Sipilou, qui est essentielle pour l’exploitation minière. Cependant, certains projets prennent du retard à cause des difficultés liées aux entreprises adjudicataires des marchés publics. Malgré cela, nous continuons à plaider pour des travaux d’extension et d’entretien.
LP : Quelles perspectives pour l’avenir de la région du Tonkpi ?
ATM : Nous voulons transformer la région en un pôle de développement économique majeur. Grâce à notre position stratégique à proximité de la Guinée et du Liberia, nous envisageons de devenir une zone franche agro-industrielle et minière. Nous comptons également améliorer l’accès à l’eau potable et étendre l’électrification dans tous les villages d’ici 2025. Enfin, nous poursuivons nos efforts pour améliorer les conditions de vie des populations à travers des projets en éducation, santé, et infrastructures.
LP : Vous placez également l’homme au centre de vos actions, à l’image du Président Alassane Ouattara. Monsieur le Président, quelles actions sociales concrètes menez-vous, notamment en faveur de l’autonomisation des femmes, de la solidarité et des personnes vulnérables ? Pourquoi communiquez-vous si peu à ce sujet ?
ATM : Vous avez raison, nous communiquons très peu sur nos réalisations. Récemment, j’ai transmis une note au président de la République pour présenter un bilan des investissements réalisés par le conseil régional. Un de ses collaborateurs, en découvrant la liste de nos actions, a été surpris par l’ampleur de nos efforts, notamment dans la construction de collèges et les initiatives en cours.
Nous n'avons pas encore développé des mécanismes solides de communication, et les moyens dédiés à cet aspect restent limités. Cependant, nous avons une radio régionale qui émet non seulement dans le Tonkpi, mais aussi jusqu’au Libéria et en Guinée. Nous prévoyons d’intensifier nos efforts en communication, notamment par le lancement de la « Caravane du développement », une initiative qui permettra à la radio de séjourner dans chaque sous-préfecture, de rapporter les évolutions et de mettre en lumière nos actions.
Au niveau social, nous avons mis en place un fonds de garantie, logé à la COOPEC, qui a mobilisé plus de 200 millions FCFA. Ce fonds soutient des projets individuels, des coopératives et des groupements d’intérêt économique, en particulier les femmes et les jeunes. Nous avons constaté, grâce à une évaluation indépendante, que les femmes se montrent particulièrement performantes dans la gestion des fonds, notamment celles investies dans l’agriculture.
En parallèle, nous contribuons au Projet emploi Jeune et Développement des Compétences (PJEDEC) à hauteur de 75 millions FCFA par an. Cette initiative, soutenue par le ministère de la Jeunesse, finance les projets innovants portés par les jeunes. L’année dernière, grâce à la reconnaissance des résultats obtenus, une enveloppe supplémentaire de 100 millions FCFA a été accordée à la région pour soutenir davantage ces initiatives.
Enfin, nous envisageons d’organiser des « Journées de la famille », un espace de célébration et de solidarité pour les personnes âgées et vulnérables. Ces moments permettront d’unir la communauté et de répondre, au moins symboliquement, à certaines attentes sociales.
LP : Les relations avec l'extérieur avec les jumelages et le renforcement des partenariats internationaux ?
ATM : Nous avons exploré diverses opportunités de jumelages avec des communes d’autres régions et pays. Par exemple, une commune jumelle en région de la France a été envisagée, mais cela n’a pas abouti en raison de leurs engagements ailleurs. Nous avons donc décidé de chercher des partenariats en Europe, en Asie et en Amérique.
Les jumelages ne sont qu’une voie parmi d’autres. Nous travaillons aussi avec des partenaires multilatéraux. La semaine dernière, nous avons accueilli une délégation de la Banque mondiale et d’autres organismes pour évaluer nos efforts et discuter des projets en faveur des zones rurales. Un projet devrait démarrer d’ici fin 2025.
Nous avons également tenu une réunion conjointe avec les commissions nationales des frontières de la Guinée, du Libéria et de la Côte d’Ivoire, une initiative majeure pour promouvoir le développement intégré dans le bassin du N’Zi. Cela s’inspire de modèles existants comme le « Triangle Sikasso-Bobo-Dioulasso-Korhogo », qui a débuté par un festival culturel et évolué vers des initiatives de développement soutenues par divers partenaires. Nous espérons reproduire ce succès dans notre région.
En parallèle, nous travaillons à attirer des investissements privés. Cela passe par une promotion active de notre région, en montrant son potentiel et en sécurisant les investissements. Nous préparons un forum économique en collaboration avec le CPC et la Chambre de commerce et d’industrie, prévu en 2025, pour mobiliser des financements et attirer des investisseurs.
LP : Monsieur le Président, pouvez-vous nous parler des défis liés aux ressources fiscales et à la gestion régionale ?
ATM : Nos ressources fiscales dépendent beaucoup des entreprises privées. Par exemple, nous avons des mines, mais leurs contributions fiscales restent limitées à ce que la loi exige. Nous plaidons pour des modèles qui permettent aux collectivités de bénéficier directement des ressources minières.
Nous envisageons aussi des projets structurants comme une zone franche agro-industrielle, mais les lois actuelles limitent notre capacité à emprunter ou à mobiliser des fonds. Avec plus de latitude, nous pourrions transformer notre région en l’une des plus prospères du pays. Un autre défi est la collecte des recettes locales. Les marchés non communalités posent problème. Nous investissons pour améliorer ces infrastructures et renforcer la collaboration avec les acteurs locaux, mais cela demande du temps et des moyens.
LP : Quels sont les projets phares pour 2025 ?
ATM : Nous avons plusieurs projets en cours. L’électrification de tous les villages de la région est une priorité. Nous travaillons également sur l’amélioration de l’accès à l’eau potable. L’objectif est de faire du Tonkpi une région agricole et minière de référence, avec des infrastructures modernes pour attirer les investisseurs. En parallèle, nous voulons renforcer l’éducation et la santé, notamment en dotant les établissements scolaires et sanitaires de ressources humaines et matérielles adéquates.
LP : Le Tonkpi est une région stratégique avec des ressources minières. Comment conciliez-vous exploitation et préservation de l’environnement ?
ATM : C’est un équilibre délicat. Nous veillons à ce que les entreprises respectent les normes environnementales et contribuent au développement local. Nous sensibilisons aussi les populations sur les impacts de certaines pratiques, comme la déforestation. Des initiatives de reboisement sont en cours pour compenser les pertes forestières et protéger la biodiversité.
LP : Un mot sur la coopération transfrontalière avec le Libéria et la Guinée ?
ATM : La coopération transfrontalière est essentielle pour notre région. Nous avons récemment accueilli une délégation de la Guinée et du Libéria pour discuter de projets communs, notamment dans les domaines de l’agriculture, du commerce et de la sécurité. Cela contribue à renforcer la paix et le développement dans cette zone stratégique.
« Je rêve d’une région où chaque habitant a accès à l’éducation, à la santé… »
LP : Quels sont vos espoirs pour l’avenir du Tonkpi ?
ATM : Je rêve d’un Tonkpi prospère, où chaque habitant a accès à l’éducation, à la santé et à des opportunités économiques. Nous avons les ressources humaines et naturelles nécessaires pour y parvenir. Ensemble, nous pouvons faire de notre région un modèle de développement en Côte d’Ivoire.
LP : Qu’en est-il de la politique dans la région, notamment votre rôle au sein du RHDP et les échéances de 2025 et vu que vous êtes le premier responsable du parti au niveau régional ?
ATM : Le RHDP se porte bien dans notre région, malgré quelques querelles entre cadres. Nous travaillons à renforcer l’unité et la cohésion pour préparer 2025. Nos actions incluent l’organisation des structures de base, la responsabilisation des cadres sur le terrain, et la mobilisation de nos forces vives.
Le Tonkpi est stratégique pour le RHDP, et nous faisons tout pour que notre contribution à la victoire du parti soit significative. La clé est de maintenir un engagement constant et une organisation solide.
LP : Vos attentes ?
ATM : Je tiens sincèrement à vous remercier pour votre contribution importante. Cela représente un apport extrêmement précieux, et je vous exprime ma profonde gratitude pour cela. Au-delà de cette discussion, je voudrais souligner que nous avons également des attentes envers nous-mêmes. Ces attentes concernent nos efforts dans la recherche de partenariats et dans la valorisation de notre région vis-à-vis du secteur privé, notamment à travers les jumelages et les projets qui en découlent. Nous poursuivrons nos actions sur le terrain. En parallèle, nous espérons que l’État continuera à investir dans des projets stratégiques. Certains besoins prioritaires, comme les infrastructures d’eau potable et les équipements scolaires, doivent encore être pris en charge pour alléger les difficultés des populations. Par exemple, des villages ont été regroupés autour d’un château d’eau, ce qui permettra d’améliorer l’accès à l’eau potable pour les habitants, y compris les fonctionnaires affectés dans ces localités. Cela contribuera à renforcer leurs conditions de vie. Sur le plan social, nous diversifions nos initiatives pour que le maximum de personnes en situation de besoin puisse bénéficier de notre assistance. Notre objectif reste l’amélioration continue des conditions de vie dans notre région.
Junior Oulai (Correspondant)