Leçon d’Amérique

Leçon d’Amérique

Pas de doute. Elles furent l’une des élections présidentielles américaines les plus scrutées dans le monde. Et surtout celles dont les résultats étaient les plus attendus un peu de partout, au regard des enjeux du moment, avec notamment, le conflit russo-ukrainien qui s’enlise, la guerre au Proche-Orient (Gaza et Beyrouth) qui fait d’innombrables victimes civils dont des femmes et des enfants, la lutte contre le réchauffement climatique qui provoque des catastrophes naturelles, l’émergence des BRICS, qui veulent constituer un contrepoids au bloc occidental.

Bref, la planète Terre était suspendue au duel épique entre le candidat républicain, Donald Trump, et la porte-étendard des couleurs démocrates, Kamala Harris, suite au retrait forcé de la course de l'actuel locataire de la Maison blanche, Joe Biden.

Après donc une campagne épique, qui a donné lieu à de chaudes empoignades crispant quelque peu le climat sociopolitique américain avec à la clé une salve d'invectives de part et d'autre, les deux favoris se sont affrontés le mardi 5 novembre 2024, conformément à la Constitution américaine, dans les urnes. Pour un suffrage indirect. Ici, ce n'est pas le vote populaire qui détermine le vainqueur de l’élection, mais bien les grands électeurs qui sont au nombre de 538. Pour être élu, il faut obtenir au moins 270 grands électeurs, soit un peu plus de la moitié. Mais, pour rafler ces fameux grands électeurs, il faut d'abord gagner la majorité des votes populaires dans les États. Par exemple, la Californie compte 54 grands électeurs, et pour les avoir, le candidat doit d'abord glaner la majorité du suffrage exprimé par les électeurs dans cet État. Un processus assez complexe mais… démocratique qui date de 1789.

Le Républicain Donald Trump a été élu 47eme président des États-Unis d'Amérique. Il a obtenu 312 grands électeurs contre 226 pour la vice-présidente Kamala Harris, réalisant du coup le come-back le plus improbable de l'histoire de ce pays. Là où les sondages donnaient les deux protagonistes au coude à coude, l’iconoclaste Trump s'est offert une victoire éclatante et écrasante, triomphant dans les 7 Etats dits pivots avec en prime, le vote populaire qu’il a gagné.

Mais, au-delà de cet effet de surprise, l’on retient un enseignement important : la forte culture démocratique des États-Unis qui se traduit par le respect des règles et de l'Etat de droit. Déjà, en 2020, quand Trump avait été défait par Joe Biden, la Cour suprême avait tranché en faveur de celui-ci, mettant fin aux dénégations du président sortant.

Pourtant, dans ce vaste pays de 51 États, digne d'un continent, il n'y a pas de commission électorale indépendante. L'élection est pilotée par les administrations locales au pouvoir et personne ne trouve à y redire parce que le jeu politique y repose sur la confiance en celui qui organise les élections.

Tout le contraire de chez nous, où certains acteurs politiques prospèrent dans la méfiance, la manipulation grotesque avec manichéisme. On accuse sans preuves, on relaie des infox et, plus grave, on ne se soumet pas au jeu électoral avec une once de sincérité. Résultat : les périodes électorales en Afrique sont très souvent sources de tensions et de conflits inutiles. Comme on le constate très souvent sur le continent, y compris en Côte d'Ivoire.

A quelques mois de l'élection présidentielle d'octobre 2025, des acteurs politiques, en particulier ceux de l'opposition, s’échinent à créer une crise en accablant la CEI et la liste électorale. Certains vont jusqu'à exiger une remise à plat du processus alors que la Côte d’Ivoire est en paix et que toutes les institutions fonctionnent bien. Mieux, les élections locales du 2 septembre 2023 ont été les plus inclusives de l'histoire récente du pays avec la participation de toutes les forces politiques significatives. Et en plus, elles ont été apaisées, sans aucune perte en vie humaine. Pourquoi alors toute cette agitation qui vise ni plus ni moins qu’à crisper l'atmosphère sociopolitique, en faisant planer une épée de Damoclès sur la Côte d'Ivoire à l'approche du scrutin de l'an prochain ?

De toute évidence, ce n'est pas ce que nous enseigne la présidentielle américaine de cette année. Loin de là. Car, au pays de l'oncle Sam, en dépit de la frénésie qui a baigné la campagne, l'essentiel a été préservé : l’exercice démocratique avec un sens élevé du patriotisme. Le vrai, pas celui galvaudé, sous nos tropiques, du temps de la gouvernance chaotique de Laurent Gbagbo où des jeunes instrumentalisés, et nourris à la sève de la haine et du tribalisme, faisaient tout et n'importe quoi. Au nom d’une prétendue défense de la patrie.

L'Amérique nous rappelle, à travers cette élection, que quand on aime son pays, on ne le brûle pas pour ses petits intérêts politiques. Surtout que au-dessus de tout, le droit et la stabilité des institutions devraient prévaloir plus que tout. Une grande leçon de démocratie à méditer profondément…

 

Charles Sanga