Politique nationale : PPA-CI, ne pas banaliser l’ivoirité

Politique nationale : PPA-CI, ne pas banaliser l’ivoirité

Les vieux démons de la haine et de la xénophobie sont de retour dans le champ politique ivoirien. « Le molosse ne change pas sa déhontée façon de s’asseoir », écrivait Ahmadou Kourouma. Le PPA-CI en a encore donné la preuve, samedi dernier, lors de son meeting à la place Ficgayo. Fidèle à sa ligne, le parti de Laurent Gbagbo a une fois de plus laissé éclater ce qu’il a de plus viscéral : la haine de l’autre, les relents xénophobes et le discours ivoiritaire. Les slogans et propos entendus donnent froid dans le dos. « On nous impose un homme qui n’est pas de notre nationalité. On nous impose un homme venu d’ailleurs. On va le faire fuir pour aller au Burkina », scandaient certains militants. Des paroles inquiétantes, qui rappellent de sombres souvenirs.

Ces dernières années, la Côte d’Ivoire avait tourné la page de ce poison identitaire. Entre 2011 et 2020, la vie politique s’est progressivement assainie, loin des débats stériles autour de l’origine des uns et des autres. Mais voilà que, comme par hasard, le retour de Laurent Gbagbo et la radicalisation du PDCI-RDA ont rouvert les vannes de la division. Et, le président du PPA, même s’il a exprimé son mécontentement face aux discours xénophobes proférés par ses partisans lors de la marche du Front commun, le 9 août 2025, a semblé minimiser leurs agissements, qu’il considère comme un incident minime.  Ce qui est très grave, car l’ivorité a provoqué la guerre dans ce pays.

D’ailleurs, en interpellant ses militants sur la question, le président du PPA-CI confirme ni plus ni moins qu’ils sont les chantres de la xénophobie et du tribalisme. Il faut le rappeler : Laurent Gbagbo, lorsqu’il était au pouvoir, a mené une véritable chasse aux sorcières contre les Ivoiriens du Nord, injustement taxés « d’étrangers », ainsi que contre les communautés non nationales installées en Côte d’Ivoire. Cette stigmatisation systématique avait fini par fracturer le tissu social et alimenter une crise identitaire sans précédent.

Le Président sénégalais Abdoulaye Wade en témoignait, affirmant qu’«un Burkinabè ou un Malien subissait plus d’exactions en Côte d’Ivoire qu’en Europe ». Ce constat glaçant résumait bien la violence et l’exclusion qu’avait instituées le régime Gbagbo. Quant au PDCI-RDA, il n’a pas fait mieux. C’est même sous la houlette de son président Henri Konan Bédié que l’« ivoirité » a été institutionnalisée, érigeant en doctrine d’État une catégorisation indigne entre « Ivoiriens de souche » et « Ivoiriens de circonstance ». Une politique abjecte qui a fracturé la société, nourri la méfiance et armé les extrémistes.

Aujourd’hui, le rapprochement entre le PPA-CI et le PDCI ne peut accoucher que d’un cocktail explosif. Quand deux partis notoirement connus pour leurs dérives xénophobes et ivoiritaires se donnent la main, ce n’est pas pour bâtir l’unité nationale, mais pour replonger la Côte d’Ivoire dans ses vieux travers. Il est logique d’affirmer que le PPA-CI et le PDCI constituent des partis d’extrême droite, mais en pire. Car si, en Europe, la haine se dirige principalement contre les étrangers, en Côte d’Ivoire, elle n’épargne même pas les nationaux. Tout Ivoirien qui ne pense pas comme eux, qui n’est pas du même bord politique ou qui ne s’aligne pas sur leur discours, est immédiatement désigné comme un « ennemi », un « étranger » ou un « vendu ». Voilà la triste réalité : sous couvert de politique, ce sont la haine et l’exclusion qui tiennent lieu de programme. La Côte d’Ivoire mérite mieux que d’être prise en otage par des discours d’un autre âge, qui ne visent qu’à diviser pour régner.

 

Rahoul Sainfort