Bien mal acquis ne profite jamais !

Bien mal acquis ne profite jamais !

«Bien mal acquis ne profite jamais», enseigne un célèbre proverbe français.  Le nouveau président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Tidjane Thiam, fait aujourd’hui l’amère expérience de cette leçon de vie.
Dix mois après avoir pris, au forceps, les rênes du vieux parti – suite au décès de son ancien président Henri Konan Bédié le 1er août 2023 – l’ancien patron de Credit Suisse n’a pas réussi à imprimer sa marque à cette formation politique.

Bien plus, l’enthousiasme relatif qui a précédé son élection controversée à la tête du PDCI, avec pour miroir son pedigree et son parcours stellaire, a désormais fait place au doute, voire à l’inquiétude, chez des cadres et militants, sur la capacité réelle de ce novice en politique à faire franchir un cap à ce parti. Un appareil politique sclérosé par le règne sans partage de près de trois décennies du Président Bédié, qui a perdu ses maillons essentiels et influents partis au RHDP (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix), et surtout la quasi-totalité de ses bastions dans le pays.
Le défi était donc immense pour le polytechnicien qui prétend faire des choses concrètes. Mais, à l’épreuve du terrain, force est de constater qu’il est totalement à la peine, à l’image d’un naufragé qui se débat, comme un beau diable, pour sortir ne serait-ce que la tête de l’eau.
D’abord, on sent, à son niveau, une crise de légitimité confortée par sa gouvernance approximative du PDCI qui dénote d’une méconnaissance affligeante de la machine du PDCI. Souvenons-nous, qu’il y a quelques moins, sa restructuration des instances de cette formation politique avait fait grand bruit avec la nomination de deux morts en l’occurrence l’ex-député de Méagui, Salé Poli, et l’ancien maire de Zoukougbeu, Zika Lago Philippe, et aussi des cadres qui ont quitté le navire PDCI, notamment Basile Gouali Dodo et Raymond N’dohi.  Pour quelqu’un qui dit être structuré et minutieux, c’est une bourde monumentale. A cela s’ajoute la création du poste de haut représentant du président du PDCI dans les districts, considéré comme du parachutage, qui amplifie le clivage entre les cadres dans certaines localités. A l’image d’Akoupé, où l’ancienne déléguée départementale, Valérie Yapo, a démissionné pour protester contre la désignation de Calice Yapo Yapo en tant que haut-représentant du président du PDCI…

D’ailleurs, Jean-Louis Billon, haut  cadre du PDCI, qui a refusé de se mettre sous sa coupole, a annoncé officiellement sa candidature à l’élection présidentielle d’octobre 2025. Ce qui signifie explicitement qu’il est prêt à en découdre avec le président du PDCI en dehors de la Convention pour la désignation officielle de son candidat à ce scrutin prévu dans 12 mois. Dans cette même veine, des départs  sont annoncés et selon des indiscrétions des vice-présidents – lassés et déçus par le manque de perspectives sous Thiam - veulent faire chemin à part.

Ensuite, dans son fonctionnement et ses apparitions épisodiques sur le terrain, on note que l’ingénieur n’a pas une assise sociologique ni populaire. A la limite, il fuit le contact avec les militants. En tout cas, on ne sent aucun frémissement lors de ses tournées qui sont quasiment platoniques.

A la vérité, le costume du président du PDCI est bien trop grand pour Tidjane Thiam. Car, il ne suffit pas de connaître les arcanes de la finance internationale pour être un bon président de parti politique, encore moins présidentiable. Les insuffisances criantes de sa gestion ne sont ni plus ni moins que la résultante de l’OPA (offre publique d’achat) qu’il a faite sur le PDCI. Pour diriger un parti politique, il faut y militer, prendre le temps de connaître ses structures et ses animateurs. Ce que Thiam n’a pas fait, pensant qu’avec ses moyens et son prétendu carnet d’adresses, tout irait comme sur des patins à roulettes. Forcément, un bien qui a été acquis dans ces conditions ne peut lui profiter. Tidjane Thiam l’apprend à ses dépens.  Et il court au-devant d’une désillusion totale, si ce n’est déjà le cas ! Car, disons-le tout net, le polytechnicien ne peut pas, en l’état actuel des choses, faire plus que ce qu’il fait en ce moment. Encore moins conquérir le pouvoir d’Etat dans un an surtout face à une machine aussi puissante et redoutable qu’est le RHDP. Ne pas le comprendre, c’est rêver debout.
Pour sûr, le réveil risque d’être, très, brutal pour tous ces cadres et militants du PDCI qui le suivent aveuglément et refusent, encore d’ouvrir les yeux, sur ce qui semble être une duperie. Pour ne pas dire une arnaque politique.

Charles Sanga