Lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme : Les efforts de la Côte d’Ivoire pour protéger son économie et sa stabilité

Lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme : Les efforts de la Côte d’Ivoire pour protéger son économie et sa stabilité
Du matériel saisi et mis aux enchères par l’AGRAC dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent

La Côte d’Ivoire est pleinement engagée dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (LBC/FT). En effet, le pays a mis en place plusieurs mesures pour lutter contre ces fléaux. L’une de ses premières initiatives, c’est le renforcement de son cadre juridique.  Et ce, à travers des modifications législatives et réglementaires importantes pour renforcer son cadre juridique de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Ainsi la Côte d’Ivoire s’est dotée d’une nouvelle loi en la matière, à savoir la Loi n° 2016-992 du 14 novembre 2016 relative à la lutte contre le BC et le FT, en application de la directive N°02/2015/CM/UEMOA du 2 juillet 2015. Cette loi a considérablement renforcé le cadre juridique de LBC/FT en Côte d’Ivoire en y introduisant de nouvelles mesures préventives pour tous les assujettis.
Ensuite la Côte d’Ivoire a défini pour la première fois sa stratégie nationale de LBC/FT dans le document intitulé ‘’Stratégie 2020–2030 de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et de la prolifération des armes de destruction massive’’. Cette stratégie met l’accent sur la révision des textes communautaires liés aux mesures préventives en vue de leur conformité aux nouvelles normes du GAFI ; l’encadrement du flux migratoire (personnes et biens) en couplant coopération sécuritaire et renseignement ; la mise en place d’un système intégré d’échange d’informations entre toutes les structures impliquées dans la LBC/FT ; la désignation d’autorités en charge de la supervision/contrôle des Entreprises et Professions non Financières Désignées (EPNFD), des organismes à but non lucratif (OBNL) et de certaines institutions financières (IF) en matière de LBC/FT ; et la garantie de l’application des sanctions de confiscation par l’exécution effective des décisions de justice.
Par ailleurs, le gouvernement ivoirien a pris des engagements politiques de haut niveau pour renforcer la lutte contre le blanchiment d'argent, notamment par la mise en place de comités interministériels pour suivre et mettre en œuvre les recommandations des rapports d'évaluation. Le pays collabore étroitement avec des organisations internationales comme le Groupe d'Action Financière Internationale (GAFI) et le Groupe Intergouvernemental d'Action contre le Blanchiment d'Argent en Afrique de l'Ouest (GIABA) pour améliorer l'efficacité de ses mesures LBC/FT.
Des évaluations régulières sont menées par des organismes comme le Fonds monétaire international (FMI) pour identifier les domaines à risque et recommander des améliorations. Ainsi, selon le rapport d'évaluation détaillé du FMI publié en août 2023, la Côte d’Ivoire a réalisé des progrès dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme depuis l’évaluation mutuelle de 2012, notamment par l’adoption de la loi sur la LBC/FT en 2016, l’élaboration d’une évaluation nationale des risques (ENR) et d’une stratégie nationale, et la sensibilisation de nombreux acteurs aux problématiques liées à la LBC/FT. « Les effets de cette dynamique commencent à se matérialiser, notamment avec la nouvelle impulsion donnée aux enquêtes et poursuites judiciaires dans le domaine de la criminalité financière. Pour autant qu’elles soient soutenues, renforcées et basées sur une compréhension des risques plus approfondie, ces réformes devraient porter davantage de fruits durant les années à venir », indique le rapport.


Montée en puissance du Pôle pénal, économique et financier
 
 
Il relève, par ailleurs, l’identification par les autorités des secteurs à risque élevé et des principales menaces intérieures de BC et de FT ; des condamnations et des confiscations notables en matière de BC grâce au renseignement financier transmis par la CENTIF (Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières).
« Le Pôle Pénal, Économique et Financier (PPEF) et certaines autorités d’enquête utilisent le renseignement financier et les autres informations de façon adéquate pour développer des preuves et rechercher des produits du crime (…)  La montée en puissance rapide du PPEF a permis une prise en charge efficace des cas de blanchiment de capitaux par les autorités judiciaires. L’infraction de BC est maintenant plus systématiquement visée dans les poursuites sur les infractions sous-jacentes », souligne le rapport du FMI.
Le Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (GIABA), une institution spécialisée de la CEDEAO, fait également cas des progrès réalisés par la Côte d’Ivoire dans la lutte contre le BC. « Le principal changement intervenu en Côte d’Ivoire depuis l’adoption du REM en juin 2023 est l’adoption de l’Ordonnance n°2023-875 du 23 novembre 2023 relative à la LBC/FT/FP (Ordonnance LBC/FT/FP) qui abroge et remplace la loi n°2016-992 du 14 novembre 2016. Cette ordonnance transpose en droit ivoirien la nouvelle loi uniforme LBC/FT de l’UEMOA. (…) Cette ordonnance qui a force de loi, a repris les acquis de la loi 2016-992 et remédié à la plupart des lacunes identifiées par le REM de 2023 dans le dispositif LBC/FT de la Côte d’Ivoire, améliorant sensiblement la Conformité technique du pays au normes du GAFI. En vertu de cette Ordonnance, la Côte d’Ivoire a réalisé des progrès pour combler les lacunes de Conformité Technique relevées dans le REM en ce qui concerne les Recommandations 10, 11, 12, 16, 18, 19, 20, 22 et 23. En raison de ces progrès, lesdites Recommandations ont fait l’objet de réévaluation », indique le 1er Rapport de Suivi renforcé avec réévaluation de la conformité technique 2024 du GIABA.
 Au nombre des critères auxquels la Côte d’Ivoire a satisfait, on note entre autres, l’interdiction faite aux institutions financières d’ouvrir des comptes anonymes ou des comptes sous des noms fictifs, d’identifier le bénéficiaire effectif et de vérifier son identité au moyen de documents, sources, données ou renseignements indépendants et fiables
L’ordonnance LBC/FT/P a également permis à la Côte d’Ivoire de combler dans une large mesure les lacunes relatives aux virements électroniques. Comme on le voit, le pays est pleinement engagé dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

Frapper le criminel sur son point sensible… l’argent

« Nul ne doit tirer profit de son délit ». Cette maxime est le leitmotiv de la magistrate hors hiérarchie Anick Bidia épouse Zadi, directrice générale de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs criminels (AGRAC). Créée en 2022, cette agence est chargée, entre autres, d'exécuter les décisions de gel de saisie ou de confiscation des avoirs criminels dans le cadre de procédures pénales ou administratives. Elle gère également tous les biens, quelle que soit leur nature, gelés, saisis ou confisqués ou faisant l'objet d'une mesure conservatoire au cours d'une procédure pénale ou administrative qui lui sont confiés et qui nécessitent des actes d'administration. La création de l’AGRAC a été qualifiée par le rapport du FMI de signal fort et de gage de renforcement de l’efficacité des mécanismes de confiscation des avoirs criminels.

Aussi dans le cadre de sa mission, la directrice générale de l’AGRAC a rencontré, en novembre 2023, les 29 banques installées sur le territoire ivoirien et regroupées au sein de l'APBEF-CI (Association professionnelle des banques et établissements financiers de Côte d’Ivoire) pour nouer un partenariat en vue de renforcer l'efficacité de la politique pénale avec pour objectif principal de faire en sorte que le crime ne paie pas. 

« (...) La répression ne sera jamais pleinement efficace si elle n'est pas appuyée par des mesures tendant au retrait des biens mal acquis entre les mains des criminels. Par ailleurs les expériences ont montré que les peines classiques de privation de liberté, de condamnation au paiement des amendes ne sont pas suffisamment dissuasives. Pour être véritablement dissuasive, toute sanction pénale doit s'accompagner de la privation des délinquants des profits qu'ils ont tiré de leur infraction. Cette confiscation du patrimoine contribue à l'efficacité de la réponse pénale particulière en matière de crime organisé et de trafic de drogue vu que ces activités procurent des revenus substantiels », a-t-elle éclairé.

La rencontre a ainsi permis à l'AGRAC d'exposer ses attentes aux banquiers. Ce sont, notamment, la tenue de statistiques pour permettre à l'agence d'agréger et de communiquer en temps opportun les données nationales ; la célérité dans le processus de
Transfert en permettant le virement rapide des montants concernés vers le compte bancaire désigné par l'AGRAC conformément aux décisions de justice ; la transparence dans le traitement des opérations ; la formation du personnel et la désignation d'un point focal dédié dans chaque banque.


 Yves Kalou