AES : Quand les juntes militaires préfèrent accuser l’extérieur plutôt que gérer l’interne
La Côte d’Ivoire est devenue la cible privilégiée des régimes putschistes de l’Alliance des États du Sahel (AES). Après les accusations enflammées du Burkina Faso, c’est au tour du Niger de pointer du doigt son voisin ivoirien. En effet, le mercredi 25 décembre, le chef de la junte nigérienne, le général Abdourahmane Tiani, a ouvertement accusé les Forces armées de Côte d’Ivoire de former sur leur sol des déserteurs de l’armée nigérienne et des agents subversifs, dans le but de déstabiliser son pays. Cette accusation n’est pas sans rappeler celle formulée en juillet dernier par le capitaine Ibrahim Traoré, président de la transition burkinabè. « Nous n’avons rien contre le peuple ivoirien, mais nous avons un problème avec ceux qui dirigent la Côte d’Ivoire », avait-il déclaré, reprochant à Abidjan d’héberger « un centre d’opérations pour déstabiliser le Burkina Faso ». Il avait promis de fournir des preuves physiques pour appuyer ses allégations. Mais, à ce jour, ces preuves restent introuvables. Tout comme le capitaine Traoré, le général Tiani n’a avancé aucune preuve concrète pour étayer ses propos. Ces accusations, bien qu’alarmantes, ne surprennent pas. Elles reflètent une stratégie classique des régimes autoritaires : détourner l’attention des populations des véritables défis internes.
Depuis son coup d’État du 26 juillet 2023, le général Tiani justifie son accession au pouvoir par l’incapacité supposée du régime démocratiquement élu de Mohamed Bazoum à assurer la sécurité des Nigériens. Pourtant, les faits sur le terrain racontent une tout autre histoire. Sous le régime militaire, le Niger est plongé dans une crise sans précédent : les attaques terroristes se multiplient, tout comme les massacres de civils et les pertes militaires. En réalité, les régimes putschistes sont aujourd’hui rattrapés par l’épreuve du pouvoir et les dures réalités qu’ils prétendaient pouvoir affronter. Face à leur échec manifeste, ils cherchent des boucs émissaires extérieurs pour canaliser la frustration et la colère de leurs peuples. Une question reste toutefois sans réponse : comment les services de renseignements de ces pays peuvent-ils « découvrir » des centres d’entraînement terroristes prétendument situés à des milliers de kilomètres tout en échouant à identifier et neutraliser les terroristes qui opèrent sur leur propre sol ? En définitive, ces régimes doivent des explications à leurs populations. La subversion extérieure ne saurait masquer leurs responsabilités ni les échecs patents de leur gouvernance.
Rahoul Sainfort