Appel de Bonoua : Qui a trahi un jour trahira toujours
Trahison, coup de poignard dans le dos des adversaires et même des partenaires, ruse et manipulation. La carrière politique du président du Parti des peuples africains section Côte d'Ivoire (PPA-CI), Laurent Gbagbo, est faite d’hypocrisie, de tromperies et de démagogie. En effet, depuis son entrée en politique, le fondateur du Front politique ivoirien (FPI) (ex-parti au pouvoir) a toujours trahi ceux avec qui il a conclu des accords dans l’arène politique ivoirienne en vue de faire avancer la démocratie sur les bords de la lagune Ebrié. Tout a commencé dans les années 70 où, selon les sachants, Laurent Gbagbo et trois autres de ses camarades dont Zadi Zaourou, Assoa Adou et Mamadou Traoré dit Le Puissant, ont fait le serment de Strasbourg. Ainsi, Ils s’engageaient à faire en sorte qu’il y ait une autre offre politique en Côte d’Ivoire. Pendant ce temps, au plan national, la réflexion existait en milieu universitaire. Mais, ce serment va voler en éclats avec l’avènement du multipartisme. Trahis par Laurent Gbagbo, chaque camarade a pris son chemin. Zadi Zaourou a ainsi porté sur les fonts baptismaux, l’Union de sociaux-démocrates (USD). Assoa Adou a, lui, rejoint Francis Wodié pour créer le Parti ivoirien des travailleurs (PIT), et Laurent Gbagbo en a profité pour créer le Front populaire ivoirien avec de nouveaux camarades de lutte. Mamadou Traoré dit Le Puissant, lui, est resté en France. Plus tard, il dira : « Nous ne nous sommes plus retrouvés parce que le serment a vacillé ». Il n’est pas allé plus loin. Cependant, en 1990, la gauche ivoirienne a voulu parler d’une seule voix pour mieux se faire entendre par le chef d’Etat d’alors le président de la République, Félix Houphouët-Boigny. La coordination de la gauche, qui regroupait le FPI, l’USD, le PIT et d’autres formations politiques, a vu le jour. Devant l'échec des négociations avec le pouvoir de l’époque, la coalition de la gauche a décidé de ne pas présenter de candidat à l’élection présidentielle du 28 octobre 1990, face au géant Félix Houphouët-Boigny. Mais, c'était sans compter avec la roublardise de Laurent Gbagbo. Secrétaire général de son parti à l’issue du congrès constitutif des 19 et 20 novembre 1988, il dribble une fois de plus ses alliés pour déposer en toute discrétion ses dossiers au ministère de l’Intérieur. Juste pour avoir le prestige que pouvait donner une candidature du seul Ivoirien capable d’affronter le Président Félix Houphouët-Boigny à une élection et de rentrer dans l’histoire du pays. Il a réussi son coup d’être sous les feux de la rampe lors de cette élection et aussi d’être l’opposant historique en Côte d'Ivoire. Crédité de seulement 18% des voix, il arrive par la suite à se faire élire député de Ouragahio. A l’Assemblée nationale, Il négocie avec le groupe parlementaire PDCI des conditions consensuelles d’une élection en 1995. Les deux parties s’accordent sur une dizaine de points. Dans l’intervalle, le père de la nation décède. Laurent Gbagbo qui sent le vent tourner, quitte ledit accord pour rejoindre le Rassemblement des Républicains de Djeni Kobena Georges dans le Front républicain. Il profite de ce mariage avec les Républicains pour effectuer une visite de prestige au Fonds monétaire international où Alassane Ouattara exerçait en tant que Directeur général adjoint. Les deux formations politiques mènent ensemble le combat jusqu'au boycott actif de l’élection présidentielle de 1995.
A cette période, dans un contexte marqué par le débat autour de l’ivoirité, les opposants, Alassane Ouattara du RDR et Laurent Gbagbo du FPI forment le Front républicain et protestent notamment contre le code électoral qui exclut Alassane Ouattara dans la course au fauteuil présidentiel.
Finalement, Henri Konan Bédié, successeur constitutionnel de feu Félix Houphouët-Boigny, est élu avec plus de 96% des voix, après des troubles et des violences sur l’ensemble du territoire. Chemin faisant, Laurent Gbagbo ayant senti qu’il ne pouvait pas phagocyter le RDR, sort du Front républicain sans crier gare au grand étonnement de Djéni Kobina Georges qui en a été très meurtri. Après le coup d’Etat militaire de 1999 contre le régime du Président Henri Konan Bédié, qui porte à la tête du pays le général Robert Gueï, il se rapproche de la junte militaire. La suite de ce rapprochement est connue de tous. Le général Robert Guei a été roulé dans la farine. Avant d’être chassé du pouvoir au terme du scrutin présidentiel d’octobre 2000. Et, il n’a pas mâché ses mots lors de sa conférence de presse du 13 septembre 2002. “Gbagbo a roulé Guéi dans la farine, Gbagbo a roulé ADO dans la farine, Gbagbo a roulé Bédié dans la farine. Quel est donc ce chef d'Etat, qui se transforme en boulanger pour pétrir toujours la farine ? Et pour rouler tout le monde dans cette farine, le pain se fait avec de la levure, sachons-le. Et ce que le FPI ne doit pas oublier, c'est qu'un jour, cette même farine sans "levure sociale" va lui boucher les narines et la gorge, parce qu'elle sera pétrie par le peuple qui sait ce que Gbagbo ne sait pas”, a-t-il déclaré. Six jours après, il est froidement assassiné lors de l’éclatement de la rébellion ivoirienne. Par ailleurs, Laurent Gbagbo, lui-même, reconnait que son sobriquet de “boulanger” vient de sa capacité “à dribbler adversaires et partenaires”. Que faut-il alors espérer de lui et de son appel au rassemblement de l’opposition lancé en juillet dernier à Bonoua ? En tout cas, les observateurs de la scène politique ivoirienne savent qu’on ne peut rien construire avec Laurent Gbagbo. Car, sa posture d’hier et celle d’aujourd’hui rappellent toujours cette formule qui avait choqué certains membres de l’opposition d’avant. En effet, il disait à l’époque : « ce sont les rivières qui coulent vers le fleuve. Et non le contraire ». Lui étant le fleuve, il attend que les gens viennent toujours à lui. Il est dans la même posture. Après la fragmentation de son camp, il serait difficile pour lui de réunir l’opposition. Aujourd’hui, le MGC (Mouvement des générations capables) est né. Le Cojep s’est émancipé. Gbagbo a perdu son instrument historique et légitime de combat, le FPI. Il a lancé le PPA-CI. Après avoir vu les minables résultats de son parti aux élections législatives et locales, il revient sur ses propos qui disaient qu’il n’était pas là pour organiser l’opposition. Mais pour faire en sorte que sa formation politique s'implante dans tout le pays et remporte des victoires. En face de la réalité implacable qui est que le PPA-CI ne pèse rien sur l’échiquier politique, il appelle au rassemblement de l’opposition pour enlever le pouvoir au RHDP. Cependant, il prend les soins de préciser que les uns et les autres doivent le rejoindre avec sincérité et non avec l’intention de le rouler dans la farine. “Moi, on ne roule pas. On ne trompe pas”, a-t-il averti. Le boulanger a-t-il cette fois vraiment peur? Rien n'est moins sûr. Car, celui qui a trahi un jour trahira toujours. Ne dit-on pas que le chien ne change jamais sa déhontée manière de s’asseoir ?