Bounkani-Lutte contre l'extrémisme violent : Comment l'État renforce la résilience des populations du Nord

Bounkani-Lutte contre l'extrémisme violent : Comment l'État renforce la résilience des populations du Nord
Plusieurs jeunes comme ce tapissier à Nassian... ou les initiateurs de cette ferme à Tehini prennent leur destin en main  grâce à ce programme dont la phase 3 a été lancée par les ministres Kaba Nialé et Mamadou Touré

Dans les six régions du Nord de la Côte d'Ivoire (Folon, Kabadougou, Bagoué, Poro, Tchologo et Bounkani), l'État multiplie les actions pour lutter contre l'extrémisme violent. Outre les opérations militaires, le gouvernement a instauré un programme spécial pour les zones frontalières du Nord, visant à combattre l'extrême pauvreté en renforçant la résilience économique des populations. Ce programme cible particulièrement les jeunes avec des initiatives de formation et d'insertion professionnelle.

Dans la région du Bounkani, qui comprend les départements de Bouna (chef-lieu de région), Doropo, Nassian et Téhini, plusieurs jeunes bénéficient déjà des actions menées par le ministère de la Jeunesse. Les 31 octobre et 2 novembre derniers, nous avons rencontré quelques bénéficiaires de Nassian et Téhini, qui témoignent des retombées positives de ces programmes. Yao Abdoulaye, tapissier à Nassian, en est un exemple. Grâce à un financement d’un million de FCFA, il a pu développer son activité en investissant dans du matériel adapté. « Avant, je travaillais uniquement avec des scies, ce qui rendait le travail difficile. Aujourd'hui, c'est moins pénible, et je gagne du temps et de l'énergie », raconte-t-il avec un large sourire. 
Cette efficacité lui permet d'attirer une clientèle plus large, allant jusqu'à la sous-préfecture, et d'augmenter ses revenus, qui varient désormais entre 150 000 et 250 000 FCFA par mois. Dans son atelier, il emploie trois apprentis et envisage d'étendre encore son activité. « J’ai besoin de 2 millions de FCFA supplémentaires pour acheter du matériel et des fournitures. J’ai déjà économisé 1 million ; j’aimerais que l’État m’aide à obtenir le reste », explique-t-il. 
Ouattara Ali Abibata, commerçante et secrétaire générale de l’association "Les femmes dynamiques" à Nassian, est également bénéficiaire du programme. Son association a reçu un financement de 1,5 million FCFA dont elle a tiré un fonds pour ouvrir un commerce florissant. « J’arrive à faire tourner mon capital et à renouveler régulièrement mon stock », dit-elle avec fierté. 
À Téhini, les membres de l'association Binkadi partagent aussi leur satisfaction. Grâce à un financement de 2 millions de FCFA, ces trois femmes, qui vendent des matériaux de construction, ont considérablement amélioré leur activité. « Avant, on ne pouvait pas renouveler nos stocks, mais aujourd’hui c’est possible », explique Coulibaly Djeneba, une des membres. L'Association des Jeunes Entrepreneurs de Téhini (AJET), quant à elle, gère une ferme d’élevage de volaille qui compte 800 têtes. Le financement reçu leur a permis de devenir l'un des principaux fournisseurs de la ville en volailles.

Lancement de la 3e phase du programme, pour un coût de plus de 11 milliards FCFA

Afin de renforcer ses actions, l’État ivoirien a lancé, le samedi 2 novembre à Bouna, la phase 3 du programme spécial de lutte contre les fragilités dans les zones frontalières nord. Ce lancement a été effectué par les ministres Kaba Nialé (Économie, Plan et Développement) et Mamadou Touré (Promotion de la Jeunesse), dans le but de continuer à offrir aux jeunes des perspectives économiques. En plus des initiatives habituelles de formation et de financement d’activités génératrices de revenus, cette phase inclut le soutien aux associations villageoises d’épargne et de crédit (AVEC). Ces associations facilitent l'accès au crédit pour les populations rurales, leur permettant de développer des activités génératrices de revenus grâce à leur propre épargne. À Bondoyo, un village de Nassian, les AVEC connaissent un succès notable, d’après de nombreux témoignages. Avec de petites sommes épargnées, plusieurs membres de ces associations ont pu diversifier leurs activités. Yao Akoua Madeleine, par exemple, s'est lancée dans la vente de poisson et soutient son enfant scolarisé. Saratou Koffi, qui vend de l’attiéké, dégage des bénéfices quotidiens de 1 500 à 2 500 FCFA, lui permettant d’acquérir une certaine autonomie financière. L’initiative est tellement populaire que trois AVEC de 30 membres chacune ont vu le jour dans ce village. Pour la troisième phase, chacune recevra 7,5 millions FCFA, soit un total de 22,5 millions FCFA, pour renforcer leurs activités. Cette phase du programme, qui mobilise un budget de 11,1 milliards de FCFA, ambitionne de toucher 23 995 hommes et femmes dans les six régions concernées.

Rahoul Sainfort (Envoyé spécial)