Contribution : Apparence séduisante et trompeuse d’un duel entre Alassane Ouattara et Tidjane Thiam

Dans cette contribution, Kalilou Coulibaly, Doctorant EDBA, Ingénieur, revient sur la tendance qu’ont certaines personnes à vouloir comparer Alassane Ouattara et Tidjan Thiam.

Contribution : Apparence séduisante et trompeuse d’un duel entre Alassane Ouattara et Tidjane Thiam

1.         L’illusion d’un duel 

L’élection présidentielle de 2025 en Côte d’Ivoire est présentée comme un affrontement possible entre Alassane Ouattara et Tidjane Thiam sous la plume de Christine Richard de Jeune Afrique.

Cette narration suggère l’existence d’un réel rapport de force entre deux figures majeures de notre paysage politique.

Pourtant, une observation plus fine montre qu’il ne s’agit que d’une construction médiatique ou d’une illusion populiste qui ne résiste, ni à l’analyse des dynamiques institutionnelles, ni aux réalités électorales de la Côte d’Ivoire.

Un duel suppose un équilibre des forces entre deux adversaires capables de s’affronter à armes égales.  Or, le paysage politique ivoirien est fortement structuré autour du RHDP, parti présidentiel qui détient non seulement la majorité des régions (26 sur 31), mais aussi une puissante représentation géopolitique nationale.

Dans un tel contexte, la présence de Tidjane Thiam ne peut pas constituer une menace réelle pour l’ordre établi.

Tidjane Thiam, en tant que figure politique extérieure au système ivoirien traditionnel, se heurte à la double difficulté de se construire d’abord une légitimité  au sein de son parti, mais  également au plan national.

Autant qu’il doit aussi faire face à des obstacles majeurs juridiques et de timings qui, compromettent sérieusement ses chances à participer à l’élection d’octobre 2025.

En plus de se heurter à des barrières à l’entrée à la fois institutionnelles et de légitimité interne dans son parti, son absence prolongée du pays, le manque d’ancrage local, réduisent considérablement son potentiel électoral.

La fragilisation en plusieurs courants de son parti, contrairement au RHDP qui bénéficie d’une structure unifiée et disciplinée, se positionne comme un attracteur final, un point de convergence autour duquel gravitent les autres forces politiques.

 

2. La gravité politique du RHDP

Le RHDP de Alassane Ouattara s’est construit comme la figure stabilisatrice du pays depuis 2011, l’analogie avec la gravité politique est frappante puisqu’il est à la vérité, la clé qui consolide, la puissance politique qui absorbe toutes les dynamiques adverses.

Tandis que le PDCI ressemble à un nombre qui a oscillé avec l’arrivée de Tidjane Thiam pour atteindre un pic avant d’être ramené vers la force dominante, une convergence inévitable vers un point unique 1, appelé la conjecture de Syracuse. 

L’effet de cette  convergence est visible à travers plusieurs phénomènes :

Les échecs électoraux répétés du PDCI : considéré comme une alternative au pouvoir en place, le PDCI a subi plusieurs revers électoraux récents, notamment lors des municipales et régionales de 2023.

Une présence clairsemée géographiquement, son incapacité à mobiliser une base électorale solide, reflète sa perte d’influence et de représentativité qui se fait au profit du RHDP.

Même si le PDCI avec l’arrivée de Tidjane Thiam a eu un moment d’enchantement, il a fini par tomber dans l’attraction de la convergence, signes inexorables de chute par  gravité dans la marge de la réalité électorale.

 

3. Le modèle de domination politique 

Le RHDP de Alassane Ouattara par sa force prouve que son maillage territorial est efficace. En s’assurant du soutien de nombreuses régions stratégiques conquises, le parti présidentiel bénéficie d’un ancrage solide qui limite l’émergence d’une opposition crédible.

Le discours de stabilité et de continuité de Alassane Ouattara le positionne comme le garant de la stabilité du pays, un argument qui résonne fortement après la crise post-électorale de 2010-2011 et qui dissuade de nombreux ivoiriens à tenter l’expérience de tout  changement brusque et incertain avec des arrivistes ou des incompétents irresponsables.

Ce contrôle du terrain politique s’apparente à la gravité en physique c’est-à-dire, plus une entité est massive comme le RHDP, plus elle attire les éléments autour d’elle.

 

5. La conjecture de Syracuse 

Loin d’être un affrontement électoral équilibré, le prétendu duel entre Alassane Ouattara et Tidjane Thiam s’apparente à une illusion orchestrée par des médias et une certaine opinion.  

La réalité politique ivoirienne, analysée à travers le prisme de la conjecture de Syracuse, montre une dynamique dans laquelle toute force émergente finit par être absorbée ou marginalisée par la trop forte présence structurelle et organisationnelle du RHDP.  

Ainsi, l’hypothèse d’un duel entre Alassane Ouattara et Tidjane Thiam repose sur l’illusion momentanée d’une  intelligentsia qui rêve d’un tel événement, mais qui se dissipe dans la réalité du système électoral. 

Tidjane Thiam ayant prouvé par son accession à la présidence du PDCI qu’il ne comprend que le rapport de force, apprends à ses dépens qu’à ce jeu, il ne peut que subir l’effet de la convergence inévitable.

La scène politique semble condamner la météore Tidjane Thiam à converger vers la planète en orbite Alassane Ouattara, comme dans la conjecture de Syracuse où un nombre peut sembler s’élever avant d’être ramené à 1 inexorablement.

 

Kalilou Coulibaly, Doctorant EDBA, Ingénieur