SILA 2025 : L'enthousiasme pour le livre face aux défis organisationnels

Organisateurs, participants et observateurs s'accordent sur un point : l'amour du livre ne cesse de croître au sein de la population ivoirienne, comme en témoigne l'engouement suscité par le Salon International du Livre d'Abidjan (SILA). La 15e édition de cet événement culturel majeur pour la Côte d'Ivoire, l'Afrique et le monde a refermé ses portes le samedi 10 mai 2025. L'heure est désormais au bilan, et si les succès ont été nombreux, l'organisation a également rencontré des difficultés notables.
Des réussites marquantes
Les chiffres officiels, dévoilés lors de la cérémonie de clôture, parlent d'eux-mêmes : plus de 117 000 visiteurs ont arpenté les allées du SILA, découvrant les stands de 100 exposants et acquérant 2 646 titres, générant ainsi un chiffre d’affaires de 100 millions de FCFA.
Au-delà de ces retombées économiques positives, il convient de souligner la forte mobilisation de la République de Côte d’Ivoire autour de l’événement. Preuve en est, le Grand Chancelier de l’Ordre national, Ally Coulibaly, a parrainé le SILA pour la deuxième année consécutive.
Les amis du livre et de la lecture ont également noté la présence remarquable du Premier ministre, Robert Beugré Mambé, le jeudi 8 mai. Ayant lui-même publié deux ouvrages aux "Editions Saint Sauveur", le chef du gouvernement a profité de sa venue au SILA pour dédicacer Voiles, un recueil de 43 odes réparties sur 86 pages, et Une affaire de place (Prédication), un livre de 94 pages. Il était accompagné de la ministre d’État, ministre de la Fonction publique, Anne Désirée Ouloto, et de sa collègue en charge de la Culture et de la Francophonie, Françoise Remarck.
La participation de plusieurs personnalités politiques, dont le président de l’Assemblée nationale, Adama Bictogo, ainsi que de nombreuses autres figures institutionnelles et intellectuelles, a également été remarquée.
Le SILA 2025 a par ailleurs bénéficié de la présence distinguée de figures emblématiques de la littérature, parmi lesquelles l’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou et Christiane Taubira. Cette dernière, ancienne ministre de la Justice et Garde des Sceaux de la France, est une militante engagée pour la cause noire, notamment à travers la loi Taubira qui considère la traite négrière et l’esclavage comme des crimes contre l’humanité. La présence de telles personnalités a conféré un caractère prestigieux à cette édition.
Concernant la programmation, le salon a proposé un contenu à la fois riche et novateur. Outre les conférences, panels, masterclass de renforcement de capacités et tables rondes, le public, composé d’étudiants, d’élèves et de formateurs, a bénéficié de rencontres professionnelles. Ces dernières ont permis d'informer les participants sur des questions essentielles telles que les droits d’auteur et la chaîne de l’édition. Le SILA 2025 a également été un espace de rencontres B2B, permettant aux acteurs locaux d'établir des contacts professionnels avec d’autres professionnels du livre venus d’horizons divers.
L'une des innovations majeures de cette édition fut la soirée spéciale "Sila Legends", une occasion de rendre hommage aux figures marquantes et aux acteurs clés de l’industrie du livre, en Côte d’Ivoire et à l’international.
Des défis organisationnels à surmonter
Si de nombreux participants ont salué une expérience enrichissante qu'ils souhaitent renouveler, d’autres estiment en revanche que l’édition 2025 du SILA n’a pas pleinement répondu à leurs attentes. En cause, des problèmes techniques liés à l’organisation pratique, dus non seulement à l’éloignement du Parc des Expositions de Port-Bouët, site du salon depuis l’an dernier, mais aussi aux embouteillages quasi-quotidiens pour y accéder, exacerbés par les travaux en cours au carrefour Akwaba et au Grand carrefour de Koumassi. Ces chantiers entraînaient d'interminables files de véhicules, tant à l'aller qu'au retour.
Malgré ces éléments qui laissaient présager une édition marquante du SILA, la réalité sur le terrain a été différente. De nombreux retours négatifs ont été recensés, aussi bien sur place que sur les réseaux sociaux.
La journée inaugurale a été particulièrement difficile pour de nombreux participants, notamment les exposants, les visiteurs et les médias. Contrairement au dôme du Parc des Expositions qui avait accueilli le SILA l’année précédente, l’édition 2025 s’est déroulée sous des chapiteaux. L’une des raisons évoquées est que les organisateurs du Marché des solutions spatiales (Mass) occupaient l’espace initialement prévu. Cette première journée a débuté par une coupure d’électricité, et les participants se sont plaints d'une chaleur accablante. Ce manque d’électricité a fortement affecté le déroulement des activités d’ouverture.
Un autre défi majeur a été le manque de connexion Wi-Fi, crucial pour un événement dont le public cible est majoritairement composé de jeunes pour qui Internet est l'outil de travail principal.
Face aux différentes plaintes des participants, le commissariat du SILA a publié un communiqué pour rassurer les exposants et les visiteurs : « Le Commissariat général du Sila tient à présenter ses sincères excuses aux exposants, aux visiteurs et à toute la famille du livre pour les désagréments enregistrés à l’ouverture du Salon ».
En raison des travaux d’aménagement du rond-point Akwaba et du grand carrefour de Koumassi, le tronçon menant à l’aéroport était devenu impraticable, engendrant des embouteillages interminables.
Selon plusieurs participants, un retour du SILA au Palais de la Culture, à Treichville, au cœur d’Abidjan, serait une option préférable, d'autant plus que l’événement s’y était tenu depuis sa création jusqu’à sa délocalisation l’an dernier.
Une couverture médiatique difficile
La tâche s'est avérée extrêmement difficile pour les journalistes. Pour un événement qui en est à sa 15e édition et qui mobilise chaque année les plus hautes autorités et le monde entier, l'absence d'un espace dédié à la presse est inconcevable. Un tel espace permettrait aux journalistes et aux acteurs de la chaîne du livre de se rencontrer et d'échanger. Habituellement, lors de tels événements, tout est mis en œuvre pour qu'au moins un écrivain, un éditeur ou un critique littéraire rencontre quotidiennement les médias pour discuter de son œuvre ou aborder des questions liées à la chaîne de valeur du livre.
Bien que des panels aient été organisés, ces rencontres sont souvent destinées à un public plus large, et les échanges sont rarement approfondis. La date du SILA 2026 est déjà fixée : il se tiendra du 5 au 9 mai 2026.
Il est à espérer que toutes ces observations seront prises en compte par les organisateurs afin que le SILA soit à la hauteur des événements d’envergure dont la Côte d’Ivoire est désormais coutumière et qu'il soit une pleine réussite ! La CAN 2023, le Sommet Europe-Afrique et le MASA en sont des preuves concrètes. Car l'intérêt croissant autour du SILA est en train de démentir le stéréotype selon lequel les Africains ne lisent pas. Bien évidemment, les Ivoiriens lisent !