Réélection de Thiam : Le PDCI-RDA chantre de l'ouverture, champion de l'exclusion

Réélection de Thiam : Le PDCI-RDA chantre de l'ouverture, champion de l'exclusion

À la tête du PDCI-RDA, Tidjane Thiam vient d’être réélu sans rival, à l’issue d’un congrès extraordinaire organisé en urgence après sa démission surprise. Une réélection qui soulève de nombreuses interrogations, tant sur les méthodes employées que sur la gouvernance interne du parti. Au moment où il dénonce son exclusion de la liste électorale nationale pour non-conformité juridique, Thiam impose au sein de sa formation des règles strictes, parfois au mépris du débat démocratique. Une contradiction qui interroge.

En effet, c'est sans surprise que Tidjane Thiam a été reconduit à la tête du PDCI-RDA ce mercredi 14 mai. L’ancien président du Crédit Suisse succède à lui-même, quelques jours seulement après avoir précipitamment démissionné de ses fonctions. Lui et ses proches ont organisé, à la hâte, un congrès électif censé corriger les irrégularités ayant entaché sa première élection. Une élection contestée qui vaut aujourd’hui à Thiam un procès intenté par Mme Valérie Yapo, membre du Bureau politique. De ce scrutin express, plusieurs enseignements peuvent être tirés. Le plus frappant est sans doute que le PDCI vient de rappeler, à travers ce processus, qu’une élection obéit à des règles. C’est ce qu’indique clairement le communiqué publié dans la nuit du mercredi au jeudi par Georges Philippe Ezaley et Traoré Adam-Kolia, respectivement président et chef du secrétariat technique du comité électoral du IXe congrès extraordinaire électif du parti.

Selon ce document, un second militant, Diakité Boubakary Sidiki, avait également fait acte de candidature. Mais après examen des dossiers, il est apparu que ce dernier « n’est pas membre du Bureau politique et n’a pas acquitté la contribution au financement de l’organisation du congrès extraordinaire, tels que prévus par les statuts du PDCI-RDA ». Le comité électoral a donc logiquement rejeté sa candidature.

Dès lors, une question s’impose : si une candidature peut être rejetée au sein du PDCI pour non-respect des conditions requises, pourquoi cela ne devrait-il pas être le cas à l’échelle nationale ? En effet, depuis quelques jours, Tidjane Thiam multiplie les apparitions médiatiques pour dénoncer sa radiation de la liste électorale, qu’il qualifie d’injuste, voire de complot visant à l’écarter de la présidentielle de 2025. Or, la justice ivoirienne a établi qu’au moment de son inscription sur la liste électorale, il était encore de nationalité française — ne remplissant donc pas la première condition d’éligibilité : être Ivoirien.

Sur cette base, sa radiation apparaît comme une application stricte de la loi. Ce rappel à l’ordre juridique devrait interpeller le parti doyen, dont le président, tout en exigeant l’inclusivité sur la scène nationale, met en place au sein même de sa formation des barrières fermes, voire rigides, à la participation interne.

Mais au-delà de la stricte question électorale, c’est la gouvernance actuelle du PDCI sous Tidjane Thiam qui soulève de sérieuses interrogations. Le parti, autrefois fer de lance du débat démocratique, semble aujourd’hui rétif à toute contradiction. La moindre voix discordante est systématiquement muselée : Mme Valérie Yapo a été exclue pour avoir contesté la légalité de la première élection de Thiam ; Esso Yves a été écarté pour sa participation à un plateau télé sur NCI ; et le délégué PDCI d’Anyama, coupable d’avoir suggéré le choix d'une candidature alternative, s’est vu violemment arracher le micro en pleine assemblée. Ces faits, mis bout à bout, dessinent le portrait d’un parti où l’autoritarisme prend progressivement le pas sur la délibération. Le PDCI-RDA n’est-il pas en train de tendre vers une forme d’autocratie politique, où le débat interne est remplacé par l’unanimisme imposé ? Une question fondamentale, à l’heure où son leader se présente comme un chantre de la transparence, de la justice et de l’inclusion sur la scène nationale.

Thiery Latt et Raoul Sainfort