Après la sortie d’Aka Véronique depuis le 27 février : Le silence radio troublant du PDCI et de ses relais

Silence radio ! La posture du PDCI, ces derniers jours, devient de plus en plus inquiétante pour de nombreux Ivoiriens. Ni le parti doyen ni les relais proches du vieux parti, ni ses cadres pourtant très prolixes, n’ont pas encore réagi à la dernière sortie de dame Aka Véronique, la présidente UF-PDCI rurale. Pourtant, face à la presse, le jeudi 27 février dernier, elle a tenu des propos extrêmement graves qui ont envahi la toile et ont été suffisamment relayés par plusieurs plateformes de communication.
Ces propos à caractère tribal, xénophobe et attentatoire à la dignité humaine ont amené le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, Amadou Coulibaly, à les dénoncer vigoureusement samedi dernier lors d’un meeting à Issia.
Morceaux choisis des propos outrageants d’Aka Véronique : « Chez nous, c’est le matriarcat. Thiam, au moins, est venu se présenter chez sa mère. Que Billon aille se présenter chez les Touaregs ou bien. On connait les Djimini (…)». Ces propos ont été accueillis par des salves d’applaudissements dans la salle ! Cela démontre, à l’envi, que l’assistance était en phase avec la présidente du conseil régional du Moronou. Et pour se faire complices de cette sortie, les journaux proches du parti doyen ont fait le black-out sur ces propos outranciers de la présidente UF-PDCI rurale.
Les reporters des médias proches de ce parti, qui étaient certainement dans la salle, ont décidé délibérément de ne pas en faire écho. Pourtant, durant plus d’une semaine, que n’a-t-on pas lu dans les journaux proches du PDCI après un simple avis émis par Célestin Serey Doh sur Tidjane Thiam ! Une véritable vague d’indignations s’était emparée de la presse du PDCI.
Mais, pour les propos d’une extrême gravité tenus par Aka véronique à la maison du PDCI à Cocody, le parti a préféré rester bouche bée ! C’est à juste titre que récemment, Mamadou Touré, cadre du RHDP, a dénoncé ce qu’il considère comme une "indignation sélective". Car, le PDCI est coutumier de ces faits. « On a traité Bictogo de Burkinabè, à Yopougon, pendant les élections locales. Kandia Camara, moi-même, Anne Ouloto à Toulepleu, nous avons été traités de Burkinabè par des acteurs politiques de premier plan et personne n'a réagi », avait fustigé le président du conseil régional du Haut Sassandra.
Il est bon de noter qu’Amadou Coulibaly a donc raison d’affirmer : « Le PDCI est un parti haineux, xénophobe, tribal ». Oui, parce qu’Aka Véronique vient de dire, haut et fort, ce qui s’est toujours murmuré au PDCI. Où pour succéder à Houphouët-Boigny ou à Henri Konan Bédié, il faut être de chez Aka Véronique. Elle ne l’explique pas, mais le sous-entendu, pour ceux qui savent lire entre les lignes, est bien clair et très retentissant. Dans l’entendement de la présidente du conseil région du Moronou, pour succéder à Houphouët-Boigny ou à Konan Bédié, il faut être issu du système matrilinéaire avec pour substrat « le matriarcat» pratiqué chez des peuples de la Côte d’Ivoire.
De ce postulat, des cadres comme Jean-Louis Billon, sont des faire-valoir qui ne peuvent que jouer des seconds rôles. Voici le PDCI de l’ère Thiam dans toute sa laideur, loin de celui que Félix Houphouët-Boigny et ses pairs ont construit.
Une longue histoire avec le tribalisme
A Issia, samedi dernier, le ministre de la Communication a dispensé un véritable cours d’histoire. Il a dévoilé le visage hideux de cette version du PDCI qui s’est éloigné des fondements du parti créé par les pères fondateurs.
Déjà, Djeni Kobina, Philippe Grégoire Yacé, Alassane Ouattara et bien d’autres cadres ont fait les frais des prémices de cette xénophobie rampante.
Selon Amadou Coulibaly, Philippe Grégoire Yacé, ancien secrétaire général du PDCI, a été humilié, simplement parce qu’il avait osé tirer la sonnette d’alarme en déclarant : « Attention, la maison brûle ». En 1995, la candidature de Djeny Kobina, un ancien membre influent du parti, entre-temps devenu fondateur du RDR, a été invalidée parce que devenu soudainement "Ghanéen". « Tant que vous militez au PDCI, quelle que soit la couleur de votre peau, la résonnance de votre patronyme, vous êtes Ivoirien bon teint. Mais, essayez de prendre vos distances. Votre sort est scellé. Toute la laideur des germes de l’Ivoirité refont surface ! Avec cette sortie d’Aka Véronique, ajouter à cela les propos de Faustin Kouamé, l’une des têtes pensantes du concept des ‘’Ivoiriens de circonstance’’, le puzzle de l’Ivoirité se remet en place », a-t-il dénoncé.
Pour Amadou Coulibaly, il « ne nous reste plus qu’à attendre une sortie de Pierre Kipré qui avait créé le concept d’ ‘’Ivoirien de souche multi séculaire’’ ou celle de Niamkey Koffi, le défenseur de l’Ivoirité, pour que le cercle des plus grands diviseurs soit bouclé ».
On le voit, le PDCI d’après Houphouët-Boigny veut renouer avec ce que Benoît Scheuer a appelé, dans son documentaire : « Côte d'Ivoire, poudrière identitaire », réalisé en 2011.
Pour rappel, ce film décrit l'origine, la dynamique et les conséquences du concept de l’Ivoirité. Il a été réalisé entre octobre 2000 et juin 2001. Le diagnostic est clair : en Côte d'Ivoire, la crise identitaire est profonde et la machine à tuer s’était mise en place. La suite, on la connait. Les Ivoiriens ne veulent plus revivre ce cauchemar.
Aka Véronique n’a pas parlé que de Billon lors de sa conférence de presse. Elle a aussi évoqué ce qu’il est convenu d’appeler « le cas Valérie Yapo ». Le mercredi 19 février dernier, pour rappel, l’ex-déléguée démissionnaire du PDCI d’Akoupé, en compagnie de plusieurs militants, avait exigé « la démission pure et simple » de Tidjane Thiam de la présidence du PDCI, estimant que sa posture est de nature à compromettre les chances de participation du parti à l’élection présidentielle d’octobre 2025. « Considérant que la posture actuelle de M. Thiam est de nature à hypothéquer les chances de participation du PDCI-RDA au scrutin présidentiel prochain, vu les délais que requièrent l’étude de son dossier de renonciation à sa nationalité française et sa réintégration en sa citoyenneté ivoirienne. Eu égard à la forfaiture commise qui saute aux yeux, nous, militants et membres du Bureau politique du PDCI-RDA, au nom de nombreux camarades qui dénoncent cette forfaiture, dans la gestion actuelle du parti, exigeons la démission pure et simple de M. Tidjane Thiam de la présidence du PDCI-RDA », avait déclaré Mme Yapo.
Par-dessus tout, Aka Véronique est en manque d’argument. Et, laisser une responsable politique d’un parti qui a déjà géré la Côte d’Ivoire tenir de tels propos, très injurieux, attentatoires à l’intimité et à la vie d’une citoyenne comme Valérie Yapo, ex-membre du Secrétariat exécutif de ce parti, est plus que regrettable.
Thiery Latt